Le vendredi 11 mars 2022, le FAO a alerté la communauté internationale sur une éventuelle
crise alimentaire qui pourrait découler du conflit Russo-ukrainien, et plonger dans la faim entre
8 et 13 millions des personnes de plus dans le monde, dont la plupart en Afrique. Il ne fait aucun doute aujourd’hui que la crise alimentaire tant redoutée est essentiellement palpable dans les pays de l’Afrique et du Moyen Orient qui n’arrivent pratiquement plus à s’approvisionner dans le marché international à cause de la hausse vertigineuse des prix.
Le Tchad par exemple a déclaré le 02 juin 2022, l’urgence alimentaire. L’avenir s’annonce sombre
pour la plupart des Etats africains qui dépendent directement de la production ukrainienne pour
s’alimenter en céréales et autres produits. Cependant, considérer le conflit entre l’Ukraine et la Russie comme principale cause de la crise alimentaire mondiale serait beaucoup trop facile. En effet, malgré le blocage de trafic des grains au niveau de la mer Noire, les prévisions ne font pas état d’une quelconque réduction de la production mondiale au cours de cette année. La problématique de cette insécurité alimentaire
tire sa source profonde dans un autre secteur : celui de la production des engrais alimentaires.
Il faut admettre que sans l’utilisation des engrais chimiques dans l’industrie agricole, le monde
produirait beaucoup moins qu’il ne le fait aujourd’hui. Il s’agit d’un facteur très important pour
le développement et la stabilité économique de nombreux pays. Mais, depuis 2020 le prix des engrais alimentaire a augmenté de manière fulgurante allant jusqu’à doubler en seulement
quelques mois. C’est le cas des engrais azotés, le plus utilisés, et les plus importants du secteur.
Pour rappel, les engrais chimiques sont essentiellement composés du trio NPK (azote,
phosphore et potassium).
Dans la fabrication des engrais azotés, il intervient un ingrédient important : l’hydrogène. Ce dernier peut s’obtenir par 3 méthodes de fabrication, il y a l’électrolyse de l’eau, la pyrolyse de méthane et le vaporeformage. Parmi les 3 procédés, le plus utilisé à ce jour est le vaporeformage, la pyrolyse de méthane étant au stade expérimental et l’électrolyse de l’eau trop polluant et couteux. Le vaporeformage se fait par extraction de l’hydrogène dans le gaz naturel sous l’action de la vapeur d’eau surchauffée à des températures allant de 700 à 1000°C. En d’autres termes, aujourd’hui pour avoir l’hydrogène, principal ingrédient dans la fabrication des engrais alimentaires chimiques, il faut le gaz naturel. La solution au problème alimentaire demain passera inexorablement par l’exploitation du gaz naturel. La Russie est officiellement le premier pays possédant la plus importante réserve de gaz naturel avec 37,4 milliards de m3 loin devant les USA, cinquième et la Chine sixième. La RDC
quant à elle, partage avec le Rwanda, le lac KIVU qui contient d’après certaines estimations un gisement potentiellement exploitable de méthane pouvant aller de 50 à 57 milliards de m3.
Depuis 2015, le Rwanda exploite le méthane du lac KIVU au niveau de la frontière avec la RDC, une partie de cette exploitation est mise en bouteille et une autre sert à produire de l’électricité qui alimente les ménages rwandais. Déjà le 28 mai 2015, lors de l’ouverture du séminaire de Haut Niveau du groupe de la BAD, le Président rwandais Paul KAGAME déclarait que l’agriculture demeure la pierre angulaire de la transformation économique de l’Afrique et que pour se muer en véritable facteur de transformation, l’agriculture doit être appréhendée comme une activité commerciale, non plus comme une activité de simple subsistance. Il a également précisé que faire de l’agriculture un
business, exige de se moderniser, d’investir dans les technologies et la recherche. Très récemment, réagissant à la visite du Président en exercice de l’UA en Russie, il a déclaré je cite : « il est inacceptable que l’Ukraine, un pays de 44 millions d’habitants, nourrisse l’Afrique, un continent de 1,4 milliard d’habitants. Je promets à tous les rwandais que le Rwanda atteindra l’autosuffisance alimentaire avant 2025. J’ai autorisé 1 milliard de dollars de matériel agricole et toute la logistique nécessaire à la relance de notre industrie agricole ».
N’y a-t-il pas lieu de s’interroger pourquoi le M23 dont le Gouvernement congolais soupçonne la connivence avec le Gouvernement rwandais a repris ses activités en ce moment-ci et avec comme objectif clair la prise de la ville de Goma, l’une de deux villes du pays jalonnées par le lac KIVU ? Le contrôle de la partie Est de la RDC sera déterminant dans les prochains rapports de force entre Etats avec la prise en compte en plus de l’exploitation des minerais stratégiques, celle du gaz méthane du lac KIVU nécessaire à la production des engrais alimentaires. La RDC est un magnifique pays dont les richesses sont convoitées par le reste du monde, en commençant par ses voisins. C’est une chose tout à fait normale dans les rapports des Etats. L’État est un monstre froid sans scrupule, ce qui compte réellement ce sont les intérêts. Il revient donc à la RDC de mettre en place des mécanismes pour protéger ses richesses et empêcher les autres Etats de les exploiter illégalement. Parmi les solutions, l’instauration de l’autorité de l’Etat, la réforme de l’armée et des services de sécurité et la lutte contre la corruption, notamment à travers la réforme du secteur de la Justice demeurent des conditions
incontournables à la stabilisation de la région. Réaliser ces objectifs revient à couper l’herbe sous les pieds des agresseurs.
Maitre Ivan KAZADI KANKONDE
Avocat, ancien Expert au Comité
Exécutif du MNS/Présidence RDC