Les autorités congolaises se tournent désormais vers les Émirats arabes unis, plaque tournante du trafic de ce métal pour la commercialisation de l’or. Les deux pays ont mis en place une entreprise appelée Primera Gold DRC. Cette jeune structure va se spécialiser dans l’exportation de l’or issu de l’exploitation artisanale dans la province du Sud-Kivu. Primera Gold DRC a présenté vendredi 13 janvier à Kinshasa le premier lot d’or qui va directement être vendu à Dubaï. Pour Kinshasa, il s’agit d’une opportunité permettant de lutter contre la contrebande qui nourrit les conflits dans les provinces de l’est de la RDC.
Il s’agit d’un changement de paradigme. Le Congo veut maîtriser la traçabilité de ce minerai exploité artisanalement dans l’Est du pays et exporté via le Rwanda et l’Ouganda.
La cérémonie a été une occasion pour Félix Tshisekedi d’évoquer le type de coopération qu’il avait jadis proposé à Paul Kagame.
« C’est exactement ce genre de partenariat que j’avais recherché avec nos voisins pour mettre fin au trafic, cette contrebande de nos minerais et pouvoir faire profiter à nos populations respectives, en créant cette chaîne de valeur qui va apporter beaucoup de bénéfices à nos pays et peuples respectifs », a dit Félix Tshisekedi.
Il regrette, dit-il, de n’avoir pas été entendu, puisque le protocole de coopération qui devrait permettre à la société rwandaise Dither Ltd de raffiner l’or extrait par la compagnie congolaise Sakima a été suspendu l’année dernière, à l’initiative du président Félix Tshisekedi qui accuse son homologue rwandais de soutenir le M23.
« Certains de nos voisins ont préféré continuer à emprunter ce chemin parsemé d’embûches et surtout de sang de nos compatriotes », a ajouté le Président de la République.
Et de poursuivre :
« J’ai donc décidé de mettre fin à tout, en ouvrant toutes les voies diplomatique, politique, commerciale et militaire. Je suis convaincu que nous allons finir par avoir raison, parce que nous sommes dans le bon chemin. Ces ressources naturelles sont appelées à apporter des ressources financières à nos pays et non pas un lot de malheurs ou de désolation. »
Il a ainsi appelé le peuple congolais à plus de patriotisme et à comprendre que le galvaudage des matières précieuses du pays ne rendra pas service à la nation.
Pour le président de la République, cette collaboration est la preuve que la RDC peut travailler en partenariat avec tout le monde.
L’or issu de l’exploitation artisanale en RDC désormais officiel sur le marché international¹
D’après le directeur général de Primera Gold DRC, Joseph M. Kazibaziba, l’obtention de ce lot a respecté toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement développée par son entreprise, en passant par les exploitants miniers artisanaux réunis en des coopératives minières viables, les négociants et les acheteurs agréés, avant d’atteindre le centre spécialisé d’achat, de commercialisation et d’exportation installé dans la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu.
« C’est par la réussite de ce pari que nous pouvons désormais être fiers que l’or issu de l’exploitation artisanale en RDC puisse désormais accéder officiellement au marché international. C’est un résultat de moins d’une semaine, mais bien mieux que toute l’année 2021, avec 23 kg, et 2022 avec 34 kg, dans cette province », a fait savoir le DG de Primera, en soulignant qu’il y a de quoi être fier des résultats réalisés pour en arriver à ce premier lot d’exportation.
Il a souligné que l’objectif demeure celui de capter toute la production de l’or issu de l’exploitation artisanale et d’exporter plus de 15 tonnes annuellement.
Ce qui représentera plus de 1 milliard de dollars qui passera par le circuit bancaire du pays et qui mettra fin au brassage incontrôlé du cash dans la province du Sud-Kivu, a poursuivi Joseph M. Kazibaziba.
La nouvelle société Primera Gold DRC espère exporter entre 15 et 25 tonnes par an. Elle souhaite aussi étendre la collaboration avec d’autres sociétés importantes présentes en RDC comme Sakima, Sokimo ou encore Gécamines.
Des retombées pour Bukavu
D’après la ministre des Mines, Antoinette N’samba, plusieurs retombées positives sont attendues à travers les activités du groupe Primera notamment la réhabilitation du barrage de Ruzizi à Bukavu, la réhabilitation de l’aéroport de Kavumu ainsi que l’installation de plusieurs entités de traitement d’or.
Elle est revenue, à cette occasion, sur les défis énormes que la RDC doit relever dans le secteur minier citant notamment les déficits énergétiques, l’exploitation déconcentrée à l’état bruit, la fraude et la contrebande minière et le commerce illicite de l’Or artisanale, avant de promettre que son ministère va suivre avec beaucoup d’intérêts les achats et les exploitations de l’or.
Dans le cadre de l’initiative développée grâce à Primera gold DRC, apprend-t-on, la RDC espère un changement de paradigmes dans la filière aurifère, au regard de ce que l’exploitation minière artisanale est capable de rapporter au pays, non seulement en terme d’emplois directs et indirects créés, mais également des capitaux à rapatrier.
Plus de 20 tonnes d’or issu de l’exploitation artisanale sont exportées frauduleusement à partir des frontières de la province du Sud-Kivu, représentant ainsi plus de cent millions qui sont mensuellement brassés sur le territoire, en dehors du circuit bancaire, renseigne-t-on par ailleurs.
Avantages pour les creuseurs artisanaux dans l’Est du Congo
L’accord précité a l’avantage de garantir des bonnes conditions de travail et de vie aux creuseurs artisanaux vivant dans l’Est du Congo. Ceux-ci pourront dès lors avoir directement accès aux partenaires, sans intermédiaire, devenant ainsi partie prenante au processus.
Plus concrètement, Primera Gold DRC garantira un salaire décent aux creuseurs, va leur assurer un revenu régulier ainsi que l’accès aux soins de santé et l’éducation pour leurs familles. Cela, à en croire les experts, fait partie des exigences qu’imposent les règles du commerce équitable fondé sur le principe « gagnant-gagnant » (Win-win).
À cela s’ajoute le fait que ce nouveau système d’exploitation de l’or permet de renforcer le partenariat économique direct entre les deux parties et lutter contre l’influence des groupes armés qui sèment la violence et la désolation dans cette partie de la RDC depuis des décennies.
Enfin, cet accord sur l’établissement d’une chaîne d’approvisionnement équitable en or entre les deux parties se veut un exemple concret du partenariat diplomatique, économique et commercial qui les lie désormais dans l’intérêt de leurs peuples respectifs.
Ainsi de l’avis de plusieurs experts, pour que le pays tire pleinement profit de cette expérience, il faudra également s’attaquer à d’autres problèmes qui rongent le secteur comme la corruption et l’impunité.
Hugues MULUMBA