Lors de son allocution, mais aussi lors des réponses aux journalistes, le président congolais a rappelé plusieurs fois « l’agression rwandaise » dont son pays est victime. Une agression « injuste et barbare », selon les mots de Félix Tshisekedi En revanche, le président français Emmanuel Macron a eu plus de difficultés à poser clairement ses propos sur le sujet. Il a fallu plusieurs relances pour qu’on le voie condamner le soutien du Rwanda au M23.
Chacun doit prendre ses responsabilités, y compris le Rwanda, a-t-il déclaré. Puis plus loin : « Le pillage à ciel ouvert de la République démocratique du Congo doit cesser. Ni pillage, ni balkanisation, ni guerre », a encore martelé Emmanuel Macron.
« J’ai été toujours claire pour ce qui est du M23 et des sanctions, la France a constamment condamné le M23 et tous ceux qui le soutiennent. Je suis ici pour que chacun prenne ses responsabilités y compris le Rwanda. Aujourd’hui je le constate que la région assume ses responsabilités en mettant un plan de désescalade sur la table. Avec le président Tshisekedi nous sommes d’accord pour appliquer ce plan et donner une chance à la paix c’est en tout cas très clair. Et donc, ce n’est pas aujourd’hui que l’on doit tout bousculer, mais plutôt donner une chance à ce plan, à la médiation angolaise et à l’engagement des uns et des autres. Mais tous ceux qui feront obstacle à ce plan savent à quoi ils s’exposent », a dit Emmanuel Macron.
Le président français a surtout défendu le plan de paix régional avec le nouveau calendrier de sortie de crise, validé lors du sommet de l’Union africaine mi-février. Puis, il a évoqué la nouvelle date du cessez-le-feu du 7 mars à midi. Si ce plan échoue, le chef de l’État a prévenu que des sanctions pourraient alors être prises contre ceux qui ont des responsabilités.
Le président congolais a quant à lui ému les vœux de voir la France condamner publiquement le Rwandais qui est l’agresseur de la RDC à travers les rebelles du M23. Très direct dans ses dires, ici l’opinion congolaise a simplement retrouvé son Félix Tshisekedi de 2016, comme il lui arrive souvent de monter sur le ring sans les gans. Lancé depuis quelques mois dans une campagne de dénonciation de l’agresseur rwandais, Félix Tshisekedi a devant les journalistes nationaux et internationaux réclamé de la bouche de son homologue français, la condamnation du soutien du régime de Kigali aux terroristes du M23.
« Nous sommes agressés d’une manière injuste avec le soutien du Rwanda sur les rebelles du M23 et demandons même les sanctions, personnes n’en parlent. Voilà ce que je voulais apporter comme précision pour dire que ça aussi ça doit changer dans la manière de coopérer avec la France et l’Europe. Regardez nous autrement en nous respectant et nous considérant comme des vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste et l’idée de toujours chercher à imposer les choses sur l’Afrique », a dit Félix Tshisekedi.
Côté processus électoral puisque la RDC doit voter en fin d’année, c’est une question d’un journaliste qui a donné lieu à un « ping-pong » entre les deux présidents. Une consœur de l’AFP a rappelé les propos du ministre des Affaires étrangères français lors de la publication des résultats à la dernière présidentielle en 2018 en RDC, qui avait alors évoqué un « compromis à l’africaine ».Des propos qui ont été vite recadrés par le président congolais Félix Tshisekedi qui a demandé à la France d’avoir de retenue dans sa manière de voir les choses.
« Je voudrais quand même vous rappeler votre façon les choses quand ça se passe en Afrique. Quand il y a des irrégularités aux américaines, on ne parle pas de compromis à l’américaine. Lorsqu’il y a eu en France plusieurs années maintenant du temps de Jacques Chirac où il y a eu un scandale sur des électeurs décédés qu’on n’a fait voter, on ne parlait de compromis à la française. Je crois il doit y avoir du respect dans la considération », a martelé Félix Tshisekedi sous un ton fort.
Ce mini clash en direct, a retenu l’attention de tout le monde à la télévision nationale a été salué par plus d’un congolais. C’est à l’instar de Maitre Jean-Claude Katende président national de l’ASADH qui a salué vivement l’attitude du président congolais pour son courage.
« L’échange entre les présidents Macron et Tshisekedi démontre que les temps de se taire devant des mensonges est passé. L’Afrique doit se regarder et regarder les pays occidentaux comme des partenaires, et non comme des donneurs des leçons. J’ai aimé ! », a écrit Jean-Claude Katende.
Pour rappel, c’est après que la Céni et la Cour Constitutionnelle avait confirmé Félix Tshisekedi comme président de la République en 2019, en dehors de Martin Fayulu qui contestait les résultats, les USA, l’Union Africaine que dirigeait Paul Kagame à l’époque, la France mais également d’autres pays pensaient à l’époque que les résultats ne reflétaient pas la vérité des urnes.
Le ministre français de l’époque en charge des affaires étrangères Yves Ledrian qui ira jusqu’à dire qu’il s’agissait « d’un compromis à l’africaine ». Une phrase qui n’avait pas du tout rencontré l’assentiment de la coalition FCC-CACH, qui avait vigoureusement dénoncé ces propos qui violaient la souveraineté de la RDC.
Steven Muhindo