La messe que compte organiser le gouvernement sur et autour de l’état de siège sonne le glas d’un échec prédit d’une décision cavalière prise dans la foulée par le président de la République sans planification ni approche opérative, preuve, s’il en faut, du désordre organique qui s’est installé à la tête de l’État.
En effet, l’Etat de siège a fragilisé les piliers de souveraineté de l’Etat et accentué la criminalité dans les provinces militarisées à dessein et nullement au bénéfice de la République, bien au contraire. Ce totalitarisme par une administration militaire “État de siège” a davantage endeuillé la région (Nord-Kivu et Ituri) plutôt que de l’épargner des affres de la guerre.
Instauré depuis le 3 mai 2021, c’est sous le régime d’État de siège que le M23 a attaqué Bunagana et conquis des pans entiers du territoire national pendant que le CODECO a, de son côté, gagné plus d’épaisseur dans la criminalité sauvage. Le bilan est sanglant! Plus de morts ; plus de restrictions de l’espace politique et économique ; Bunia, Beni, Butembo, Sake et Goma asphyxiés, un nombre exponentiel de déplacés de guerre abandonnés à eux-mêmes et les forces négatives ont repris du poil de la bête devenant des alliés objectifs des principaux belligérants.
L’État de siège, une idée préalablement étrangère émise par les “frères et partenaires fiables” du régime (Paul Kagame), était un attrape-nigaud destiné à mettre en pièces l’administration des entités concernées.
Proclamé dans la précipitation, instauré unilatéralement et dans l’irrévérence constitutionnelle sous prétexte de restaurer la paix par l’éradication des forces négatives (FDLR, ADF-Nalu, CODECO et Maï-Maï notamment), l’État de siège aura été un chapitre malheureux de la stratégie de l’ennemi naïvement endossée par notre gouvernement.
Utilisé comme une mailloche de répression, l’État de siège a servi d’instrument d’écrasement de la dissidence politique interne pendant que le régime collabore avec les institutions militaires d’agression. Étonnant de voir que les forces négatives que l’Etat de siège était sensé combattre deviennent ces jours les alliés du régime. Les Maï-Maï sont devenus, on ne sait par quelle baguette magique, les WAZALENDO et on compterait désormais certains éléments des FDLR au sein de la Garde républicaine aussi bien à Kinshasa qu’à Lubumbashi. Le CODECO se voit de son côté doté d’engins, d’équipements et des matériels d’exploitation de minerais à Djugu et Mahagi.
Des pouvoirs exorbitants déployés pour réduire au silence toute opinion adverse par rapport à l’Union sacrée. Députés, leaders locaux et autres souverainistes opposés aux abus du pouvoir et à la dégradation sécuritaire ont été arbitrairement arrêtés.
Prévu pour une période de 30 jours, l’État de siège s’est éternisé et même métastasé. Entre-temps, le peuple est davantage meurtri. La cadence a été entonnée : affairisme, détournement, enrichissement illicite et sans cause, pillage, expropriation surtout des titres miniers, débordement des frontières et criminalité débordante. Ce monstre a dégradé la situation sécuritaire de la zone et troublé la paix.
Face à cette réalité, la comédie qu’organise dès ce lundi le Premier ministre Sama Lukonde est non seulement surréaliste, mais surtout inadéquate, sinon révoltante. Les dommages sont incommensurables ; l’État de siège ayant été un cuisant échec.
A cet égard, la table ronde projetée est juste un banquet offert aux victimes des politiques sécuritaires irrationnelles et d’une gestion à tâtons de la situation sécuritaire du pays, du reste sous-traité par des armées étrangères. Quel cynisme politique de vouloir faire partager un verre de joie aux victimes survivantes, comme pour assécher les larmes visibles sur leurs joues !
De même il y a lieu de se demander ce qui fait courir le gouvernement au point d’organiser un simulacre de délibération, sous couvert de « table ronde », au lieu de prendre l’ordonnance abrogeant purement et simplement l’état de siège ?. Pourquoi après avoir décidé unilatéralement d’instaurer l’État de siège, sans le moindre souci de consulter les populations des provinces concernées, on veut tout à coup les mêler à cet échec cuisant par un simulacre de consultations ? Pourquoi tergiverser plutôt que d’abolir définitivement l’Etat de siège et de l’arrêter tout de suite.
La responsabilité porte les couleurs du gouvernement Sama Lukonde. Il doit en payer les conséquences et non pas chercher des boucs-émissaires dans la notabilité locale, victime elle-même de ce dérèglement sécuritaire.
Embrouillamini tout trouvé pour confisquer l’identification et enrôlement des électeurs à des populations innombrables et innocentes. Cette rouerie a amputé le fichier électoral d’un électorat constitutionnel non négligeable (Djugu, Masisi et Rutshuru). Du point de vue légal, l’Etat de siège a ainsi hypothéqué la tenue des élections qui ne peut sacrifier un composant essentiel de notre électorat national.
C’était peut-être délibéré!
La table ronde projetée est un banquet, un festin offert aux victimes, un camouflet des politiques sécuritaires à tâtons et irrationnelles sous-traitées à des armées étrangères. Un verre de joie qu’on offre aux survivants, comme pour assécher les larmes encore chaudes à leurs visages !
Nous attendons par voie de conséquence la démission du gouvernement Sama concomitamment avec la réinstallation des administrations civiles régulières.
Corneille Nangaa, candidat président de la République