Des terrasses abandonnées au milieu d’une herbe grandissante d’une part, des chantiers des maisons inachevées ou d’autres quasiment inhabitées et sans peinture de l’autre; tel est le paysage qui nous frappe à première vue lors de notre visite sur le site des Chutes Wagenia.
Situé au fond de la vieille Commune de Kisangani, dans la ville portant le même nom en République Démocratique du Congo, ce site célèbre qui a sa limite entre la rivière Lualaba et le fleuve Congo devient de plus en plus moins attrayant. Pourtant, ici commence le cours entièrement navigable sur le fleuve Congo, le plus puissant d’Afrique.
Stanley Falls, Chutes Stanley, Chutes Boyoma et actuellement les très célèbres chutes Wagenia, ce lieu touristique semble abandonné. Pour y accéder, il faut rouler pendant quelques minutes du centre sur une route tantôt boueuse tantôt poussiéreuse selon la saison. Une fois sur place, le lieu semble cauchemardesque plusque le rêve d’y aller lui-même.
À l’arrivée, une porte rectangulaire en béton portant en peinture opaque le nom du site: «les chutes Wagenia». À l’entrée, des hommes avec des œuvres d’art en bois nous accueillent.
« Venez, c’est par ici. Pour la visite ou juste l’achat des nos œuvres ? Il y a aussi des médicaments contre plusieurs maladies,(…) surtout l’impuissance masculine », lancent-ils.
Tradition exige, nous nous orientons d’abord dans une chambrette en semi durable et partiellement obscure. Ici, c’est le bureau du gérant du site. Sans chaises pour les visiteurs, c’est pourtant un passage obligé tous les nouveaux venus sur le lieu.
À l’intérieur, la conversation n’est pas aussi longue. Il est juste question de négocier le prix pour une visite guidée.
« Pour une visite guidée vous devez payer 10 mille francs Congolais messieurs », nous lance-t-il.
Pendant les négociations, le gérant du site nous fait sortir un registre des prix. «25 milles francs Congolais pour les nationaux et 250 milles si vous avez une caméra», précise le gérant .
Nous lui en proposons cinq mille et l’affaire est réglée. Destination du montant perçu, la poche. Aucun reçu, aucun justificatif.
À l’en croire, le montant est petit pour être enregistré dans le carnet des recettes. Par conséquent, «il sera partagé entre le Chef du village, les récouvreurs et quelques agents de l’État qui y viennent parfois pour la cause», affirme t-il.
À la sortie du bureau, les guides s’empressent. Chacun d’eux veut nous conduire. «Allons-y tous», se mettent-ils enfin d’accord. À travers un court sentier serpentant l’herbe, nous apercevons à quelques mètres notre destination finale : les chutes Wagenia.
« Avançons par ici. Elles sont là.(…)La partie supérieure c’est la fin de la rivière Lualaba. Les chutes c’est sur ces rochers.C’est ici où nous vivons depuis des générations», nous dit Sylla notre guide du jour.
D’après la tradition,le peuple «Enya» est arrivé à ce lieu en 1883 en provenance de Nyangwe, au Maniema. Depuis ce jour-là, le lien est devenu un symbole d’unité familiale après y avoir délogé lors d’une bataille le peuple «komo» sur la rive droite et «lengola» sur la rive gauche du fleuve Congo.
Représentées par le «Chesiyo»(arbres fixés dans les trous naturels créés par la pression des eaux sur des rochers de la chute), au total 440 familles vivent ici. Régis par un «mokota»(chef du clan), toutes vivent de la pêche. Une activité particulièrement exercée grâce aux méthodes propres. Pour attraper les gros et petits poissons, les enyas utilisent respectivement le «moseba» et «moleka», deux pièges conçus à partir des lianes sauvages. Une spécialité propre à ce peuple de la forêt du Bassin du Congo dont le mérite tend à disparaitre après des années de gloire.
« Avant, nous prenions la bière ici. Il y avait des balançoires pour les enfants mais curieusement tout à disparu », se souvient Esther venue y accompagner ses frères en provenance de Kinshasa.
Déçue, Esther doit rejoindre le centre ville pour la suite de la soirée. Toutefois un autre défi l’attend.Payer ses guides. En effet, pour chaque guide il faut en moyenne mille francs Congolais. Un montant qui s’ajoute au droit d’entrée dont l’utilité finale est de servir un groupe de ce peuple autochtone «Enya»,devenu d’ores souverain de ce lieu qui jadis était source des revenus pour l’État Congolais.
Benjamin Sivanzire, à Kisangini