Sous Mboso et Bahati, le Parlement a érodé son prestige du temple de la démocratie. Il a pris la honteuse réputation du temple de la corruption et du blanchiment d’argent. Les dossiers sales sur la gestion budgétaire entre 2021 et 2023 révélés dans l’enquête du Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) font froid au dos.
Selon les documents divulgués par l’ONG, les deux Chambres ont dépensé 1,1 milliard de dollars américains dont 60% utilisés par l’Assemblée nationale et 40% par le Sénat. Ce qui justifie le caractère budgétivore de l’institution, déplorent les enquêteurs.
– Fraude et enrichissement illicite –
Le scandale éclabousse la Chambre basse qui a dépensé 90 millions USD pour acheter les véhicules contre le plafond autorisé de 4,5 millions USD. Par conséquent, le bureau Mboso a enregistré un dépassement de 1 999,85%. Pourtant, rappelle le CREFDL, les crédits liés aux investissements ont un caractère limitatif et contraignant. “A cela s’ajoute, la dilapidation des fonds affectés au projet de construction des bureaux des commissions parlementaires, du dispensaire du Parlement et du dépôt des archives”, affirme l’organisation de la société civile.
Les investigateurs rapportent aussi que l’équipe Mboso a acheté 12 bus de 30 places assises, de marque “Coaster” affectés au transport du personnel administratif et 14 minibus destinés au transport des directeurs des services. Se référant aux prix fixés par les différents fournisseurs des véhicules en RDC, le montant de 90 millions USD paraît surestimé pour couvrir les dépenses de 26 bus, même si on y ajoute les prélèvements fiscaux et les frais de transport.
S’agissant du respect de procédure des marchés publics, le processus d’acquisition de ces engins est resté opaque. Aucun Plan de passation des marchés publics (PPM), moins encore les décisions d’attribution provisoire ou définitive, n’ont fait l’objet de publication sur le site de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Ceci démontre une violation flagrante des articles 13 et 34 de la loi nº 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics.
Il est à noter également que le dernier PPM de l’Assemblée nationale publié date de 2020. Après cette date, aucun document des marchés publics effectués n’a été rendu public. Il y a eu absence d’un Avis de non objection (ANO) de la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP). Pourtant, la législation oblige toute entité administrative à faire la publicité du PPM, un préalable à la passation des marchés publics.
– Au niveau du Sénat –
L’institution que dirige Modeste Bahati a aussi bénéficié d’un paiement de 422 893 $ pour l’acquisition des véhicules terrestres (bus, véhicules officiels, de service et fonction) contre une prévision de 3,5 $. Soit un taux d’exécution de 11,91%.
Toutefois, le montant total payé du marché aurait atteint 3 677 830,71 USD, d’après les documents approuvés par la DGCMP le 29 juin 2022. “L’absence d’un rapport explicatif des dépenses élaboré par le ministre des Finances n’a pas permis au CREFDL d’approfondir les investigations. Cette dépense est irrégulière et viole la loi relative aux finances publiques et ne respecte pas les préalables à la commande publique”.
D’après la reddition des comptes 2022, le bureau de la Chambre haute a reçu les crédits budgétaires de l’ordre de 82 242 USD pour l’exécution du projet de construction du dépôt d’archives du Parlement.
Au préalable, ce marché avait été attribué le 21 septembre 2021 à l’entreprise ETISAC SPRL à hauteur de 63 518 40 $. Après analyse, le CREFDL a constaté un écart de 18 723,6 USD, qui se dégage entre le montant payé et celui inscrit dans l’avis d’attribution du marché. L’absence d’un avenant soulève des doutes quant à la crédibilité dudit marché. Interrogés sur la localisation de ce dépôt d’archives, aucun administratif du Sénat n’a déclaré être au courant de cette construction.
– Les bureaux Mboso et Bahati doublement payés –
Entre 2021 et 2023, le trésor public a dépensé environ 227,9 millions $ pour rémunérer les parlementaires, soit une moyenne annuelle de 74 millions de dollars. Après analyse de ces dépenses, il se dégage que les sénateurs sont mieux rémunérés que les députés nationaux, selon les chiffres du rapport de reddition des comptes 2021 et 2022.
Toutefois, les rémunérations des députés ont doublé en l’espace de trois ans, passant de 4 500$ à 10 000 USD en 2023. Il est à souligner que ce montant ne constitue que leur traitement de base retracé par les outils budgétaires. Certains gagnent des “invisibles” puisés au niveau du “Fonds spécial d’intervention”. Des changements de barème ont été enregistrés au cours de l’année sans le vote d’un collectif budgétaire.
En outre, les sept membres des bureaux sont doublement rémunérés. D’abord en tant que député national et puis comme membre du bureau, à en croire les affectations des crédits indiqués dans la reddition des comptes 2021 et 2022. Sans oublier, ajoute la source, l’insertion d’une ligne budgétaire ambiguë et budgétivore au niveau des dépenses de rémunération dans les deux Chambres du Parlement.
– Recrutement massif et abusif –
L’administration de l’Assemblée nationale compte un effectif de 612 personnes tandis que les cabinets politiques en disposent 2 756. Pourtant, conformément aux articles 235, 236 et 238 du règlement intérieur, l’effectif du personnel des cabinets de membres du bureau est fixé à 157 (dont 28 du personnel administratif, 49 du personnel d’appoint et 80 du personnel domestique).
Les effectifs de 2 756 personnes sont rémunérés de manière arbitraire. Cette situation est similaire à celle du Sénat dont le personnel politique affecté au cabinet est de 881 contre 259 affectés au secrétariat général alors que ce dernier devait être constitué de 157 personnes conformément aux articles 252, 253 et 255 du règlement intérieur.
– Recours abusif à la sous-traitance –
D’autres faits démontrent l’esprit de dilapidation des deniers publics par le Parlement. Par exemple, le ministère des Infrastructures et travaux publics a affecté au Palais du Peuple, un effectif de plus de 300 agents chargés de la propreté aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur avec un salaire dérisoire.
Cependant, le bureau de l’Assemblée nationale a sous-traité une ONG dénommée Lidya Decor Malika (LDM) pour la même tâche d’entretien et propreté. Les agents de cette nébuleuse touchent un salaire 3 fois plus élevé que le personnel de l’administration publique affecté à ce même service. Pourtant, LDM ne dispose d’aucune compétence, ni expertise en matière d’entretien et maintenance des bâtiments civils.
Intitulé “le biface du Parlement congolais : un contrôleur à contrôler”, les analyses contenues dans l’enquête se sont focalisées sur un examen citoyen de 500 documents budgétaires, des entretiens effectués avec 100 personnalités politiques et agents de l’administration publique.
Ouragan.cd via Surveillance.cd