Le mercredi 15 janvier dernier, la Première Ministre, Judith Suminwa Tuluka, avait présidé une réunion stratégique avec les délégations d’experts de la RDC et du Congo-Brazzaville pour harmoniser les points techniques et fiscaux liés à la matérialisation du projet de construction du Pont-Route-Rail devant relier les villes de Kinshasa et de Brazzaville.
Une initiative qui est vue d’un mauvais oeil par l’organisation de la société civile, l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) qui, dans un communiqué de presse, rendu public le 16 janvier 2025, a fustigé le fait que le Gouvernement de la RDC ait privilégié la construction du Pont-Route-Rails entre Kinshasa et la capitale du Congo-brazzaville, au détriment du projet d’érection du port en eau profonde de Banana.
Pour cette organisation de défense des droits de l’homme et membre de la société civile, l’option levée par le Gouvernement de Judith Sumwina est de nature à mettre en mal la souveraineté économique et maritime de la RDC, qui va grandement dépendre des ports de Pointe-Noire (Congo-Brazza) et de Lobito (Angola) pour son commerce extérieur.
Voici par ailleurs, l’intégralité du communiqué
L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice, fait savoir que les Gouvernements de la République du Congo et de la République Démocratique du Congo (RDC) ont convenu de relancer et consolider les études techniques relativement au projet de construction du pont-route-rails devant relier Brazzaville et Kinshasa. Et que selon le Ministre RD Congolais des infrastructures, le budget estimatif de ce projet est d’USD. 700.000.000.
L’’ACAJ constate malheureusement que le Gouvernement de la RDC s’engage dans ce projet alors que celui de construction d’un port en eaux profondes à Banana, Province du Kongo-Central, ainsi que ses annexes, à savoir un chemin de fer et une autoroute devant relier l’embouchure du Fleuve Congo à l’arrière-pays portuaire, confiée à la firme Qatari DP World, peine à être achevé dans les délais initialement prévus.
L’ACAJ rappelle à ce propos que le Président de la République s’était solennellement engagé à n’autoriser le début des travaux du fameux pont-route-rails qu’après l’achèvement et la mise en service du port en eaux profondes de Banana. Est-ce un reniement de cet engagement?
L’ACAJ relève que sur le plan géostratégique et outre l’accord signé récemment avec l’Angola et la Zambie portant sur la création du corridor de Lobito, la RD Congo ne peut se permettre une posture suicidaire consistant à retarder et/ou abandonner le projet vital du port en eaux profondes à Banana pour ainsi dépendre des ports maritimes étrangers pour sa desserte tant en import, qu’en export; se privant de ce fait de tout accès direct et souverain à l’Océan Atlantique.
Selon plusieurs sources avisées consultées par l’ACAJ, la mise en sourdine de la construction du port en eaux profondes à Banana serait l’œuvre d’un lobby d’affairistes Congolais, le même qui a récemment permis à l’opérateur portuaire MCTC de faire main-basse sur plusieurs quais d’accostage ainsi que le Terminal à conteneurs du port international de Matadi dans des conditions d’une opacité déconcertante. Ce, sans déférer aux préalables contractuels tels que l’aménagement des sites concédés, leur équipement et la mise en place d’un pacte d’associés.
L’ACAJ s’interroge par ailleurs sur la rationalité politique et économique de cette initiative dès lors qu’il est de notoriété publique que, faute d’offrir une calaison commercialement rentable dans le bief maritime du Fleuve Congo, plus de 70% des cargaisons à destination de la RD Congo transitent par le port de Pointe-Noire, propriété de la multinationale BOLLORE. Ce faisant, l’avènement du pont-route-rails représente un dumping savamment réfléchi et destiné à pérenniser le monopole dont jouit actuellement le port de Pointe-Noire sur une part importante du fret Congolais.
L’ACAJ interpelle les décideurs Congolais sur la préservation de la souveraineté économique entendue comme la capacité d’un Etat à déterminer lui-même ses choix économiques, ainsi que le contrôle de tous les secteurs clés de la vie nationale, sans interférences extérieures.
Au demeurant, l’ACAJ est convaincue de ce que sans un port en eaux profondes opérationnel et compétitif, le pont-route-rails Brazza-Kinshasa ne sera bénéfique qu’à la République du Congo Brazzaville et à son partenaire portuaire BOLLORE;
En conséquence, elle recommande ce qui suit:
A l’Assemblée Nationale et au Sénat,
- D’user de leurs pouvoirs constitutionnels pour s’opposer à la participation de la RD Congo à toute discussion ayant pour objectif la construction du Pont-Route-Rails entre Brazzaville et Kinshasa à défaut de l’achèvement et de la mise en service effectif de port en eaux profondes de Banana.
D’interpeller la Première Ministre, Cheffe du Gouvernement aux fins d’obtenir des explications sur (i) les atermoiements enregistrés quant à la bonne exécution de travaux du port en eaux profondes de Banana, (ii) la mise en concession du terminal à conteneurs et de plusieurs quais de l’ONATRA au port de Matadi à des conditions très éloignées des règles de la bonne gouvernance.