L’audition d’Aubin Minaku et d’Emmanuel Shadary par l’Auditorat militaire supérieur de la Gombe, prévue pour le lundi 10 mars, marque un tournant politique majeur en RDC. Les deux figures de proue du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), formation politique de l’ancien président Joseph Kabila, sont appelées à “éclairer la justice” dans un contexte de tensions croissantes entre l’opposition et le pouvoir en place.

L’invitation, signée par le colonel Benjamin Ntambwe, avocat général militaire, intervient quelques jours après la sortie médiatique de Joseph Kabila dans le Sunday Times, où l’ancien chef d’État laissait entendre que le régime de Félix Tshisekedi pourrait être en sursis. Cette déclaration a été suivie d’une réunion stratégique du PPRD avec ses militants, au cours de laquelle Aubin Minaku a tenu des propos pour le moins évocateurs.
«Le chef a dit qu’il faut être prêt à tout. Quand le chef dit qu’il faut être prêt à tout, chacun de nous, un PPRD pur sang, comprend. Quand le chef dit : fini le moment du silence, des actions clandestines, maintenant, c’est le moment des actions ouvertes, je m’assume, ça dit tout», disait-il.
Ces déclarations, interprétées comme un possible appel à la mobilisation, ont rapidement attiré l’attention des autorités. Emmanuel Shadary, lui aussi présent à cette réunion, a déjà été invité par le ministre de l’Intérieur, Jacquemin Shabani, le 1ᵉʳ mars, pour clarifier la position du parti.
La convocation des deux cadres du PPRD s’inscrit dans un climat de crispation entre l’opposition et le gouvernement en place. Les récentes déclarations d’Emmanuel Shadary après sa rencontre avec le ministre de l’Intérieur traduisent une posture d’opposition qui se veut à la fois critique et institutionnelle.
«Nous communiquons pour la population, pour que vous puissiez changer d’approche, pour que le pays soit bien géré. Nous allons travailler comme parti de l’opposition, comme on l’a toujours fait, et nous sommes respectueux de la Constitution et des lois de notre pays», avait prévenu Emmanuel Ramazani Shadary.
Toutefois, les propos rapportés par Reuters, attribués à une source proche de Kabila, laissent planer une ombre sur les intentions réelles du PPRD : « Le régime de Tshisekedi est bientôt terminé… Nous verrons ce qu’ils feront. »
Alors que l’audition d’Aubin Minaku et d’Emmanuel Ramazani Shadary approche, plusieurs questions demeurent : s’agit-il d’une simple procédure visant à dissiper toute ambiguïté sur leurs propos, ou d’un prélude à des poursuites judiciaires plus lourdes ?
Dans un pays où la politique et la justice entretiennent des liens complexes, cette convocation pourrait bien être le signe d’une intensification du bras de fer entre l’ancien régime et le pouvoir en place. Une affaire à suivre de très près.
Barth NGINDU