Moins de deux semaines après l’annonce du retrait de l’Angola du processus de médiation entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, le président congolais Félix Tshisekedi a été reçu ce mercredi à Luanda par son homologue angolais João Lourenço. Une rencontre qui intervient dans un contexte diplomatique tendu, marqué par la réorganisation des efforts de médiation et la reprise du dialogue direct entre Kinshasa et Kigali.
L’Angola, qui s’était positionné comme médiateur clé dans la crise entre la RDC et le Rwanda, avait exprimé sa surprise face à la récente rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame à Doha, au Qatar, en dehors du cadre officiel du processus de Luanda. Cet entretien direct entre les deux dirigeants est apparu comme un camouflet pour la médiation angolaise, déjà fragilisée par l’échec des pourparlers prévus en décembre 2024 à Luanda.
Kigali avait alors conditionné la rencontre avec Kinshasa à un dialogue préalable avec le groupe rebelle AFC/M23, une demande rejetée par la RDC. Pourtant, le 18 mars dernier, Kinshasa avait fini par accepter une réunion avec l’AFC/M23 dans le cadre du processus de Luanda, mais ce sont les rebelles qui ont cette fois refusé d’y participer, invoquant les sanctions européennes contre certains de leurs dirigeants. Cet enchaînement d’impasses a conduit l’Angola à se retirer officiellement de son rôle de médiateur, préférant désormais concentrer ses efforts sur ses responsabilités au sein de l’Union africaine, dont João Lourenço assure actuellement la présidence tournante.
Ce retrait angolais a accéléré une recomposition des mécanismes de médiation. Lundi, les chefs d’État de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ont décidé de fusionner les processus de Luanda et de Nairobi. Un nouveau panel de cinq facilitateurs a été désigné pour établir une feuille de route commune, visant à relancer le dialogue politique, prévenir une nouvelle escalade militaire et mettre en place un mécanisme de vérification du cessez-le-feu.
En parallèle, le Qatar continue de jouer un rôle discret mais significatif en maintenant un canal de discussion ouvert entre Kigali et Kinshasa. Ce positionnement diplomatique de Doha pourrait s’avérer décisif dans l’évolution des négociations, à l’heure où la situation sécuritaire à l’Est de la RDC reste explosive.
Tshisekedi-Lourenço : quelle issue pour la coopération bilatérale ?
Si la rencontre entre Félix Tshisekedi et João Lourenço à Luanda s’inscrit dans ce climat de recomposition diplomatique, elle soulève également des questions sur l’avenir des relations bilatérales entre la RDC et l’Angola. Luanda a longtemps été un allié stratégique de Kinshasa, notamment en matière de sécurité et de coopération économique. Toutefois, le retrait angolais du processus de médiation pourrait redéfinir les priorités de cette alliance.
La visite de Tshisekedi en Angola vise-t-elle à rétablir un partenariat plus étroit avec Lourenço malgré la fin de son rôle de médiateur ? Ou marque-t-elle un tournant dans la stratégie diplomatique congolaise, avec un recentrage sur d’autres interlocuteurs comme la SADC, l’EAC et le Qatar ?
Barth NGINDU