« À mon âge, je suis devenue errante, dépossédée de la maison de mon mari…
Ce n’est pas normal.»
Ces mots poignants sont ceux de Mme Yuwa Denise, fille aînée de feu Honoré NGBANDA, et liquidatrice légale de sa succession. À plus de 80 ans, elle dénonce la spoliation de la résidence familiale située aux numéros 6 et 8 de l’avenue des Cocotiers, dans la commune de la Gombe, à Kinshasa.
Acquis dès 1977 par M. Honoré Ngbanda, ancien diplomate et conseiller spécial à la Présidence de la République, alors Zaïre à l’époque, les biens en question ont longtemps servi de résidence familiale, officiellement reconnue par acte notarié en 1991. Ces deux parcelles, unifiées au fil du temps, sont devenues le symbole d’un ancrage familial… jusqu’à leur confiscation brutale en 1997, lors de la transition politique sous le régime de Laurent-Désiré Kabila.
Une restitution légalement ordonnée mais jamais respectée
En 2003, une commission interministérielle immobilière s’est prononcée en faveur de la restitution des biens de M. Ngbanda. Le jugement rendu reconnaît la légitimité de la succession. Malgré cela, les droits de propriété n’ont jamais été pleinement rétablis, et la situation s’est aggravée en 2014 lorsque le ministre Joseph Kokonyangi a réinscrit la parcelle n°6 comme bien de l’État, sans fondement légal, ni arrêté ministériel en appui.
Une nouvelle spoliation sous silence ?
Le 15 avril 2024, un nouveau déguerpissement forcé a été effectué. Cette fois, la maison familiale est occupée par le conseiller spécial du Chef de l’État, Eberande Kolongele, au mépris total du jugement existant. Mme Yuwa Denise affirme avoir présenté tous les documents légaux : acte de vente, certificat d’enregistrement, contrats notariés… sans succès.
« Même le Conseil d’État a annulé toutes les décisions qui tentaient de faire passer cette propriété comme bien de l’État. Mais rien ne change », explique Mme Yuma Denise qui ajoute en réclamant fort, « Mr Ebarande Kolongele, rendez-nous notre maison« .
Le silence des autorités, la détresse d’une famille
Malgré une demande d’audience adressée au Président Félix Tshisekedi, restée sans réponse, la famille dit être ignorée par les institutions censées protéger ses droits.
« Mon mari a servi ce pays. Aujourd’hui, on lui arrache ce qu’il a construit. Le président est notre fils, il prône l’État de droit… mais comment l’appliquer si ses conseillers eux-mêmes violent la loi ? », s’interroge la veuve de feu Honoré Ngbanda avec larmes aux yeux.

Appel au Chef de l’État
La succession Ngbanda Nzambo demande solennellement au Président de la République de ne pas se fier aux informations erronées fournies par ses proches collaborateurs, notamment par M. Kolongele. Elle l’invite à faire respecter la justice rendue, et à faire restituer la maison familiale spoliée.
« Ce n’est pas parce qu’on perd son mari qu’on devient faible aux yeux de la République. Ce n’est pas grave… mais Dieu va agir dans cette affaire », a-t-elle dit.

Un cas emblématique d’injustice foncière en pleine capitale, qui interpelle non seulement sur la sécurité juridique des propriétés privées, mais aussi sur la capacité des institutions congolaises à garantir les droits fondamentaux, au-delà des appartenances politiques ou des fonctions.
Ben AKILI