À Matadi dans le Kongo Central, 400 bus flambant neufs dorment à quai depuis deux ans. Censés fluidifier la circulation à Kinshasa et offrir une alternative aux véhicules vieillissants, ces bus du programme « Esprit de vie » n’ont jamais quitté le port. Leur faute ? Des factures impayées. Transport maritime, entreposage, dédouanement : autant de coûts que l’État n’a toujours pas réglés.
Ce projet devait incarner le renouveau du transport urbain congolais. Au lieu de cela, il est devenu un symbole de blocage. Sylva Lemba Kisindu, en charge du programme, résume la situation d’un ton désabusé : « L’État a passé commande, les véhicules sont là, prêts à rouler. Mais sans paiement, rien ne bouge. »
Le paradoxe est frappant : alors que Kinshasa suffoque sous les embouteillages et les bus hors d’âge, 400 minibus neufs restent cloués sur place, parfaitement inutiles. « Trois factures seulement empêchent la mise en circulation », glisse le coordonnateur, qui dit attendre une réaction du ministère des Finances, saisi depuis avril par celui des Transports.
Le programme « Esprit de vie », lancé en 2014, avait pourtant bien commencé. À l’époque, 250 minibus avaient été remis à des opérateurs privés pour remplacer les tristement célèbres Mercedes 207 surnommés « esprit de mort ». Le changement avait fait une différence. Moins d’accidents, un réseau plus fiable. Mais la dynamique semble s’être figée.
Le poids de l’attente pèse lourd. Chaque jour passé au port génère des frais d’entreposage supplémentaires. Un gaspillage d’argent public qui s’accumule sans qu’aucune solution concrète ne voie le jour. Pour beaucoup, cette situation illustre une réalité bien connue : l’engrenage de l’inefficacité administrative.
Et pourtant, les bus sont prêts. Ils ont passé les contrôles techniques. Ils n’attendent que le feu vert financier pour être livrés. « Il suffirait d’un simple paiement pour tout débloquer », affirme Sylva Lemba Kisindu, visiblement frustré par cette inertie.
CKK