Alors que l’Est de la République démocratique du Congo est à nouveau en proie à de graves violences, le docteur Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix en 2018, a vivement critiqué le mutisme persistant de l’ancien président Joseph Kabila face à la responsabilité du Rwanda dans l’insécurité chronique qui secoue cette région. Dans une interview accordée à France 24 le mercredi 29 mai, il a exprimé ses inquiétudes concernant le retour sur la scène politique de Kabila, dénonçant une posture ambigüe et silencieuse vis-à-vis du président rwandais Paul Kagame.
Selon Mukwege, le refus de Joseph Kabila de condamner ouvertement le rôle du Rwanda est révélateur. « Kabila n’a jamais condamné ouvertement Kagame, alors même que ce dernier est accusé d’être un acteur central de l’instabilité dans l’est du Congo », déplore a-t-il. Ce silence, selon lui, serait le signe d’une « complaisance inquiétante » envers un régime souvent pointé du doigt pour son implication dans les conflits armés à l’est de la RDC.
Le célèbre gynécologue et défenseur des droits humains va plus loin, en remettant en question les intentions profondes de Kabila. Il rappelle notamment les origines politiques de l’ancien président : « Il est entré par le Rwanda. Ce sont des signes qui ne trompent pas. » Une allusion directe à l’histoire de l’arrivée au pouvoir de Kabila en 2001, avec le soutien de Kigali.
Denis Mukwege ne cache pas sa perplexité face à la récente prise de parole de Joseph Kabila. Selon lui, celle-ci reflète une volonté à peine voilée de reconquête du pouvoir. « Quand vous lisez son discours, vous vous rendrez compte qu’il est prêt à faire des sacrifices pour reprendre le pouvoir », affirme-t-il, laissant entendre que l’ex-président n’a pas renoncé à ses ambitions.
Le docteur n’hésite pas à remettre en cause la légitimité du retour de Kabila dans l’arène politique, soulignant l’importance de respecter les aspirations du peuple congolais. « Moi je me dis, c’est quelle façon d’agir ! Est-ce que le Congo appartient à des individus ? », interroge-t-il, dénonçant une politique de captation du pouvoir au détriment de l’intérêt national.
Mukwege a également profité de sa tribune pour rappeler les zones d’ombre entourant les élections de 2018. Il remet en question le processus ayant mené à la victoire de Félix Tshisekedi. « Kabila a choisi Tshisekedi, mais ne nous a jamais expliqué pourquoi. Il devrait d’abord présenter ses excuses aux Congolais », insiste-t-il, appelant à davantage de transparence.
Enfin, tout en critiquant le discours élogieux que Kabila tient à propos de son propre bilan, Mukwege se montre sceptique quant à la réalité de ses accomplissements. « Il a décrit ce qu’il avait fait de brillant, mais moi j’ai des questions par rapport à son bilan », conclut-il, appelant à un examen plus rigoureux de l’héritage laissé par l’ancien chef de l’État.
B.A