Des robinets à sec, des kilomètres à parcourir, et une population à bout : Mbujimayi vit une crise d’eau potable d’une gravité sans précédent. La saison sèche et les coupures d’électricité paralysent la production d’eau, exposant les failles d’un système à bout de souffle.
Bidons jaunes à la main, des femmes, des jeunes, parfois des enfants, sillonnent les rues poussiéreuses de la capitale du Kasaï-Oriental. Depuis près d’une semaine, Mbujimayi traverse une pénurie d’eau potable d’une ampleur inédite. Les robinets sont à sec dans plusieurs quartiers de la zone dite « basse » de la ville, contraignant les habitants à parcourir des kilomètres à la recherche d’un point d’approvisionnement.
« Nous sommes techniquement dépassés, confesse-t-il. La station de Lukelenge ne fonctionne aujourd’hui qu’avec une seule pompe. Pour mettre en marche la deuxième, il nous faudrait au moins trois mégawatts. Or, je ne dispose que de 810 kilowatts. À ce rythme, il est devenu impossible de faire tourner nos machines pendant sept ou huit heures comme auparavant », a-t-il fait savoir.
Dans cette région privée de pluie depuis plusieurs semaines, l’eau du réseau public devient un bien rare. En saison sèche, nombre de ménages qui, habituellement, se contentent de l’eau de pluie, n’ont d’autre choix que de se tourner vers la REGIDESO. La consommation grimpe en flèche, sans que la production puisse suivre.
« L’eau se vide très vite des réservoirs, et il n’y a pas de rechange possible. Nous sommes contraints de faire des choix, et certaines zones ne sont tout simplement plus alimentées », explique encore le directeur régional.
Pour répondre à cette pression, l’entreprise mise sur des solutions provisoires. Des discussions sont en cours avec la SNEL pour étendre les heures d’alimentation électrique, en particulier la nuit, afin de permettre le remplissage progressif des réservoirs. Un projet de remise en service du réservoir de Maréchal est également à l’étude. Il pourrait soulager les quartiers de Bipemba et d’autres zones périphériques, durement touchées.
Au-delà de l’urgence, cette crise révèle les failles structurelles d’un réseau sous-équipé, miné par des années de sous-investissement. Les besoins croissent avec l’urbanisation, tandis que les infrastructures, elles, peinent à évoluer. Résultat : la ville étouffe, littéralement privée de l’essentiel.
Dans les quartiers populaires, l’exaspération monte. Certains habitants affirment n’avoir pas vu une goutte sortir de leur robinet depuis plusieurs jours. Les plus chanceux se rabattent sur les sources naturelles, non sans risque sanitaire. D’autres achètent l’eau au prix fort, à des revendeurs improvisés.
Tandis que les autorités provinciales gardent un silence prudent, les habitants de Mbujimayi attendent des mesures concrètes. Car à défaut de pluie, c’est désormais une volonté politique et des investissements d’envergure qu’il faudra pour éteindre la soif d’une ville entière.
Félix Ilunga