Un rapport explosif remis le 9 juin 2025 à l’Assemblée nationale par le député John Kabeya Mbonda jette une lumière crue sur la gestion de la Gécamines, fleuron autrefois stratégique de l’économie congolaise. « La Gécamines fonctionne sans budget ni planification », déplorent les parlementaires, qui dénoncent une gestion opaque, désastreuse et sans résultats tangibles.
Pendant une semaine, du 16 au 23 mai, une mission parlementaire s’est rendue à Lubumbashi et Kipushi, au cœur de la province du Haut-Katanga, pour ausculter les activités de la Gécamines SA et ses partenaires (Kipushi Corporation, CDM, Huachin Mining, MIKAS). Le rapport pointe une série de dysfonctionnements critiques.
Une entreprise sans cap ni contrôle
Selon le document, la Gécamines navigue à vue. Ses budgets sont adoptés avec plusieurs mois de retard, rendant toute planification impossible. En 2025, par exemple, le budget n’a été validé qu’en mai. Résultat : des dépenses non maîtrisées, sans indicateurs de performance ni stratégie opérationnelle.
Pire encore, la direction générale semble ignorer les directives gouvernementales. Le rapport évoque le refus d’appliquer une instruction du ministre du Portefeuille pour la mise à jour du statut et de l’organigramme, laissant libre cours à une gouvernance marquée par l’opacité et les conflits d’intérêts.
Chute libre de la production et pertes abyssales
Autre constat alarmant : l’effondrement de la production minière. La Gécamines est passée de 25 000 tonnes de cuivre en 2019 à seulement 1 500 tonnes en 2024. Le cobalt, lui, a totalement disparu du bilan de production. En cause, une politique hasardeuse de sous-traitance, notamment via le traitement à façon (TAF), qui aurait causé à elle seule 47,4 millions de dollars de pertes en 2024, pour un chiffre d’affaires dérisoire de 10,6 millions sur la même période.
Des contrats conclus avec des entreprises comme Huachin Mining ou la Minière de Kasombo (MIKAS) ont vu leurs rendements fondre comme neige au soleil, aggravant les pertes.
Conflits d’intérêts, dépenses folles et gestion clanique
Le rapport dénonce également les conflits d’intérêts flagrants, à l’image du directeur général Placide Nkala Basadilua, nommé simultanément à plusieurs postes, en violation de la loi. Son absence fréquente à la tête de l’entreprise retarde les décisions cruciales. La mission épingle aussi la mauvaise entente entre le conseil d’administration et la direction générale, qui paralyse toute dynamique de redressement.
Pendant ce temps, les frais de fonctionnement (59 millions USD) dépassent largement les salaires (30 millions), au détriment des investissements dans la production. Le monopole accordé à l’agence Malabar Business Travel pour les voyages professionnels est pointé comme une source de surfacturation nuisible à la trésorerie.
Une réforme d’urgence exigée
Les députés appellent à des mesures fortes :
- Suspension immédiate de la direction générale,
- Annulation des contrats TAF et de vente de remblais,
- Audit externe indépendant,
- Rajeunissement des effectifs,
- Respect des procédures de passation de marché.
Le gouvernement est sommé de protéger le patrimoine minier national, d’imposer une gouvernance rigoureuse et d’instaurer une gestion transparente des finances.
Le silence des dirigeants
Interrogé par nos confrères de Jeune Afrique, Guy Robert Lukama, président du conseil d’administration de la Gécamines, n’a pas souhaité réagir. Mais pour l’opinion publique et les observateurs, l’heure n’est plus à l’attentisme.
Le géant minier congolais est à genoux. Et sans sursaut politique, la Gécamines risque de devenir un symbole de plus du gâchis des ressources nationales.
B.A