De la tristesse… Mais aussi de la colère teintée d’impuissance. Les visages des femmes du territoire de Djugu dans la province de l’Ituri oscillent entre ces sentiments.
La guerre qui continue, a imposé à ces braves femmes l’abandon de leurs localités et de devoir repartir de zéro. Immaculée Tumave Immaculée est l’une de ces femmes déplacées qui a tout perdu, en fuyant les atrocités du groupe armé Codeco. Elle fait preuve de résilience : alors qu’elle qui vit dans le site de déplacés de Djaiba1, c’est plutôt à Fataki-centre sur la RN27 qu’elle exerce son nouveau métier de vendeuse de haricots.
Avant, elle vivait à Ipa-Bura. À cause des attaques répétées de miliciens, elle a été contrainte, avec sa famille de 12 personnes, d’abandonner son village. Mais, courageuse, elle a choisi de ne pas se refugier loin de ses terres d’origine, afin de pouvoir bénéficier des fruits de ses anciens champs. Une décision risquée, car le danger sécuritaire demeure présent dans sa zone de refuge.
Une dizaine d’attaques en deux semaines…
Depuis le début de l’année 2024, plus de dix attaques armées ont été rapportées dans le territoire de Djugu et plus de trois dans la zone de Fataki. C’est ici qu’Immaculée Tumave vit avec ses onze enfants et son mari, Jean-Gaston Lubanga qui lui, fut chef du village d’Ipa-Bura. Elle n’a pas oublié son autre enfant, tué lors de cette interminable guerre dans le territoire de Djugu.
Celle qui autrefois était agricultrice et tenancière de restaurant, a dû se contenter d’un capital de 15’000 Francs congolais, environ 5 dollars américains, pour refaire sa vie à Fataki.
C’est le prix d’un seau de haricots, qu’elle peut revendre avec un intérêt de 2000 Francs congolais, soit moins d’un dollar américain.
« C’est avec ce petit bénéfice que je tiens ma maison ici au site des déplacés. Je peux acheter, tout ce que je ne peux pas trouver aux champs et payer les scolarités de mes enfants… », confie-t-elle.
La petite affaire marche pour cette dame de 64 ans : en moins d’une année, son chiffre d’affaires a plus que doublé jusqu’à atteindre 35’000 FC, soit environ 13 dollars américains. Ce montant représente donc le dernier rempart d’un ménage de 12 personnes, mais bien évidemment, il est loin d’être suffisant.
« Je dois allier ce commerce avec les activités agricoles pour pouvoir venir au bout des besoins…Aller à mes anciennes terres peut représenter un énorme risque, mais j’y vais parfois. Ce que je fais fréquemment, c’est faire des travaux journaliers pour les agriculteurs locaux, et ils payent 2000 Francs congolais », témoigne-t-elle.
Un parcours de combattante certes, mais qui ne donne à personne envie de continuer ainsi.
D’où sa conclusion : «Il faudra que notre gouvernement retire les armes entre les mains des groupes armés pour que nous puissions rentrer à la vie d’avant !»
Julie Londo