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Tshopo : deux ans après le début du conflit intercommunautaire, la cohabitation reste difficile entre les communautés

Au moins 303 civils ont été victimes des graves violations et atteintes aux droits de l’homme dans le cadre du conflit intercommunautaire opposant les Mbole et Lengola et leurs alliés respectifs depuis février 2023. Selon les sources gouvernementales et humanitaires, au moins 107, 000 personnes ont été déplacées à cause du conflit et vivent dans des conditions très précaires dans trois sites des déplacés dans la ville de Kisangani et dans la commune de Lubunga.

Des missions de monitoring et d’enquêtes du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) dans la province de la Tshopo, ont permis d’établir que des graves violations et atteintes aux droits de l’homme, telles que des exécutions sommaires, des traitements cruels, inhumains et dégradants, des violences sexuelles, des enlèvements et des pillages et destructions systématiques des biens et des villages ont été commises par toutes les parties en conflit.

Au moins 97% des cas documentés par le BCNUDH concernent des victimes d’atteintes commises par des assaillants Mbole ou Lengola et 3% par des acteurs étatiques, en particulier, la Légion Nationale d’Intervention, une unité spéciale de la Police nationale congolaise déployée dans la zone depuis aout 2023.

Au cours d’une mission d’enquête en août 2024, le BCNUDH a réalisé des entretiens confidentiels avec 100 personnes et a recensé un total de 228 victimes d’atteintes des droits de l’homme commises par des assaillants civils armés appartenant aux communautés Mbole ou Lengola ainsi que leurs alliés. Parmi ces victimes, 149 personnes ont été tuées et 39 ont été blessées ou soumises à des traitements inhumains et dégradants entraînant des handicaps permanents, tels que la cécité et l’amputation des bras, y compris à l’encontre d’une fillette âgée de huit ans, ainsi que des rituels comprenant l’enlèvement et le traitement inhumain et dégradant d’un bébé de six mois. En outre, des maisons et, parfois des villages entiers, ont été systématiquement pillées et incendiés.

L’équipe a également documenté des cas de violence sexuelle particulièrement violents à l’encontre de quatre femmes, dont des viols collectifs, des viols précédés, accompagnés ou suivis de traitements inhumains et dégradants (d’un meurtre par décapitation, de mariage forcé ou d’esclavage sexuel.

Les suspects des atteintes ont été unanimement identifiés comme étant de jeunes parlant dans la majorité des cas le Mbole/Lingala ou le Swahili/Lengola. Ils détenaient des armes à feu, des machettes, des couteaux et de flèches empoisonnées. Les groupes Mbole en particulier ont atteint un certain niveau d’organisation interne et de chaîne de commandement.

Le conflit intercommunautaire a pour origine un litige foncier portant sur un désaccord sur la propriété de 4.000 hectares cédés par les autorités provinciales à la société agro-pastorale CAP-Congo dans la commune de Lubunga, ainsi que l’installation d’une administration parallèle dans la commune de Lubuya Beda et des tensions ethniques sous-jacentes.

Suite au plaidoyer du BCNUDH mené auprès des différentes autorités provinciales et nationales, le Bureau note des développements importants dans la recherche d’une solution pacifique au conflit.

Le BCNUDH salue la visite du Chef de l’Etat dans la province de la Tshopo le 23 octobre 2024 et l’organisation du Forum de Paix, Sécurité et Développement lancé par le Vice premier Ministre de l’intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières du 17 au 19 décembre, auquel toutes les communautés en conflit ainsi que le BCNUDH ont été associés. Le BCNUDH reconnait aussi les efforts du FONAREV, qui, depuis le 28 août 2024, apporte un soutien logistique et financier pour l’organisation et le déroulement des audiences foraines en procédure de flagrant délit ainsi qu’un soutien juridique et judiciaire à environ neuf victimes dans le cadre de ce conflit. Le BCNUDH a assuré le monitoring de ces audiences foraines.

Le BCNUDH note également l’annulation des contrats de CAP-Congo en raison des soupçons sérieux d’irrégularités, tout en permettant à la société de poursuivre ses activités, ce qui pourrait contribuer au développement économique de la région et aux réparations pour les victimes.

Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, 44 personnes ont été arrêtées, 13 ont été acquittées et 31 condamnées par la justice militaire au premier degré pour terrorisme, participation à un mouvement insurrectionnel et détention illégale d’armes de guerre. Parmi les condamnés, un agent de la PNC et un militaire des FARDC ont été condamnés à 5 ans de prison, respectivement pour violation de consigne, désertion simple et violation de consigne et terrorisme. Cinq détenus ont été condamnés à la peine de mort pour terrorisme et participation à un mouvement insurrectionnel et les autres ont été condamnés entre 5 à 20 ans de prison.

En attendant la cérémonie coutumière de réconciliation du 27 janvier 2025 dans la localité d’Osio, le BCNUDH invite le Gouvernement à s’attaquer d’urgence aux causes profondes du conflit, y compris la gouvernance foncière, les questions d’administration parallèle et les tensions ethniques sous-jacentes pour créer les conditions permettant le retour des personnes déplacées en toute sécurité et dignité dans leurs villages d’origine et assurer une cohabitation pacifique entre les communautés.

Les autorités sont encouragées à ouvrir des enquêtes indépendantes sur les conditions d’attribution de la concession agricole ainsi que des atteintes et violations des droits de l’homme commises dans le cadre du conflit intercommunautaire. Dans le cadre de son mandat, le BCNUDH est prêt à soutenir les procédures judiciaires ouvertes et à apporter un soutien aux victimes.

Le BCNUDH invite aussi les acteurs humanitaires à soutenir les autorités provinciales dans la gestion des sites, en répondant d’urgence aux besoins immédiats des personnes déplacées et au secteur privé de veiller à ce que tout achat futur de terres soit effectué avec le consentement libre, préalable et éclairé de toutes les communautés affectées bénéficiant de ces terres.

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