Depuis sa nomination à la tête du ministère congolais de la Justice, Constant Mutamba s’était imposé comme un chantre de la rigueur et de l’intransigeance. À 36 ans, il avait séduit une partie de l’opinion, déterminée à croire en un renouveau d’une justice jugée longtemps défaillante.
Dès ses premières prises de parole, celui que certains appellent déjà « le jeune coq » avait multiplié les initiatives pour traquer les antivaleurs. « Nous ne laisserons plus la République entre les mains des prédateurs », lançait-il, sûr de lui, dans une de ses sorties médiatiques.
Mais à peine plus d’un an après sa prise de fonction, le tableau semble beaucoup plus nuancé. Les voix critiques n’ont cessé de pointer une posture jugée populiste, un activisme médiatique frénétique, mais peu de résultats concrets dans la lutte contre la grande corruption.
Selon certains observateurs, les dossiers sensibles impliquant des figures proches du pouvoir seraient restés intouchés. « La justice continue à fonctionner à double vitesse », dénoncent plusieurs acteurs de la société civile, évoquant une sélectivité dans les poursuites.
Constant Mutamba aurait concentré ses actions contre des opposants politiques ou des figures marginales. Des procès très médiatisés, comme celui ayant conduit à la condamnation à mort de membres présumés du M23 ou de jeunes délinquants à Kinshasa, ont suscité autant de polémiques que de louanges.
Plus récemment, l’annonce de poursuites potentielles contre l’ancien président Joseph Kabila, accusé de liens supposés avec la rébellion du M23, avait renforcé l’image d’un ministre combatif. Les biens du sénateur à vie auraient même été promis à la saisie, une première dans l’histoire politique récente du pays.
Mais voilà que le ministre lui-même se retrouve sous les projecteurs pour des raisons moins glorieuses. Des soupçons de malversations liées à un projet de construction d’une prison auraient éclaboussé le cabinet du ministre de la Justice.
Malgré les démentis officiels, les réseaux sociaux se sont enflammés. « Ce ministre si prompt à condamner les autres doit maintenant s’expliquer », a martelé l’opposant Olivier Kamitatu, proche de Moïse Katumbi, parlant de « faits têtus et d’irrégularités flagrantes ».
Dans une tentative d’apaisement, le ministère des Finances a publié un communiqué indiquant « qu’aucun paiement n’a été effectué par le Trésor public », ni retrouvé dans ses livres comptables. Mais dans la même note, il est précisé que « si paiement il y a eu, il proviendrait d’une autre source », ce que certains interprètent comme une manière détournée de désigner le ministère de la Justice.
Pour beaucoup, cette affaire pourrait marquer un tournant dans la carrière de Constant Mutamba. « Le piégeur serait-il piégé ? » s’interrogent plusieurs internautes, rappelant les précédents comme celui de Nicolas Kazadi, ex-ministre des Finances, lui aussi discrédité par la pression populaire malgré les louanges présidentielles.
Si une enquête judiciaire devait confirmer les soupçons, Constant Mutamba risquerait de perdre non seulement son portefeuille ministériel, mais aussi le crédit politique qu’il s’était bâti à grand renfort de déclarations musclées.
Pour l’instant, aucune procédure formelle n’a été engagée contre lui, mais l’opinion, elle, semble avoir déjà jugé. Et dans un pays où l’image publique pèse aussi lourd que les faits, cela pourrait suffire à précipiter sa chute.
La rédaction