Le 23 mai dernier, l’ancien président congolais Joseph Kabila est sorti de son long silence pour délivrer un discours que beaucoup perçoivent comme une tentative de repositionnement politique. Une date symbolique qui, selon certains observateurs, ne serait pas anodine, tant elle coïncide avec une intensification des activités du mouvement rebelle M23 à l’Est du pays.
Depuis la fin de son mandat en 2019, Kabila s’était maintenu dans un retrait quasi-total de la scène politique, n’intervenant que rarement dans les affaires publiques. Cette discrétion, cependant, aurait pu être stratégique, en vue d’un retour progressif à l’avant-plan. Le discours du 23 mai semble marquer une étape clé dans cette possible reconquête politique.
D’un ton grave et offensif, Joseph Kabila a dressé un tableau sombre de la situation nationale, dénonçant une crise « multidimensionnelle » et accusant le pouvoir actuel d’échec dans les domaines sécuritaire et économique. Des critiques directes qui, pour certains analystes, témoigneraient d’une volonté claire de se positionner comme alternative au régime en place.
L’ancien chef de l’État n’a pas simplement formulé des reproches. Il a proposé un plan en 12 points, présenté comme un « pacte citoyen », censé redonner espoir et repères à une population désabusée. Derrière cette initiative, se dessinerait l’esquisse d’un projet politique structuré, orienté vers les échéances électorales de 2028.
Ce « pacte », selon ses proches, serait une invitation à un sursaut patriotique. Mais en filigrane, il pourrait également être interprété comme un outil de mobilisation politique, destiné à rallier anciens fidèles et nouvelles sympathies. Il s’agirait alors d’un test grandeur nature pour évaluer l’audience encore détenue par l’ex-président.
En parallèle, les activités du PPRD, son parti politique, semblent reprendre de la vigueur. Plusieurs figures de l’ancienne majorité présidentielle se sont récemment exprimées publiquement, critiquant l’orientation politique actuelle et appelant à une réforme des institutions. Ce regain d’activité confirmerait les soupçons d’une réorganisation orchestrée en coulisses.
La date choisie par Kabila pour son discours, le 23 mai, n’a pas manqué de faire réagir. Elle intervient alors que le M23, accusé de liens avec certains anciens réseaux kabilistes, intensifie ses offensives dans l’Est du pays. Faut-il y voir une simple coïncidence ou un signal politique délibéré ? La question reste ouverte, mais la coïncidence intrigue.
À ce jour, l’ancien président n’a pas annoncé explicitement son intention de se porter candidat en 2028. Toutefois, son appel à la mobilisation nationale et à l’unité semble résonner comme un prélude à une campagne à venir. Certains y voient les prémices d’un retour méthodiquement préparé.
Toutefois, un retour de Joseph Kabila sur le devant de la scène ne serait pas sans obstacles. Outre les accusations de soutien aux rebelles, plusieurs procédures judiciaires menacent ses anciens collaborateurs et pourraient ternir son image. Il lui faudrait convaincre une opinion publique encore marquée par les dérives de son long règne.
Les divisions internes au sein de son camp politique pourraient également freiner ses ambitions. Certains ex-cadres du PPRD, aujourd’hui en rupture avec l’ancien régime, refusent toute idée de retour à l’ordre ancien. Pour s’imposer, Kabila devrait d’abord reconstruire un socle politique solide et unifié.
Reste aussi à évaluer l’accueil de la population. Entre nostalgie d’une certaine stabilité passée et rejet d’une gouvernance jugée opaque et clientéliste, les Congolais pourraient se révéler indécis, voire hostiles. Le chemin d’un retour triomphal est encore semé d’embûches.
Le discours du 23 mai pourrait donc marquer un tournant dans la trajectoire politique de Joseph Kabila. Mais s’il entend rejouer un rôle central dans l’avenir de la RDC, il lui faudra composer avec un contexte radicalement différent de celui qu’il a connu, et convaincre un pays en quête de renouveau.
La Redaction