Le gouvernement congolais vient d’annoncer une nouvelle mesure qui fait déjà grincer des dents. Le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, a confirmé ce lundi l’instauration d’une taxe aéroportuaire unique de 85 dollars américains pour tous les passagers au départ des aéroports de la République démocratique du Congo.
Cette somme, répartie entre 30 dollars de taxe aéroportuaire et 55 dollars de GoPass, sera exigée pour tous les vols, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Selon le gouvernement, cette réforme vise à renforcer la sécurité, moderniser les infrastructures et améliorer la traçabilité des passagers. Mais sur le terrain, la pilule passe mal.
Dans un pays où le salaire minimum est à peine supérieur à 100 dollars, cette nouvelle taxe paraît déconnectée de la réalité sociale. Pour de nombreux voyageurs, elle symbolise une nouvelle ponction injustifiée dans un contexte de vie déjà insoutenable.
« On nous parle de modernisation depuis des années, mais à l’aéroport de Ńdjili, rien ne fonctionne ! », déplore Jean-Pierre Mbuyi, un commerçant habitué des vols régionaux. « Les toilettes sont insalubres, les files interminables, le système d’enregistrement en panne un jour sur deux. Où va tout cet argent ? », s’est-il interrogé. « C’est une gifle pour le citoyen congolais », ajoute Marie-Claire Nsiala, étudiante en partance pour Lubumbashi. « On vit dans la précarité, et au lieu de soulager la population, on l’étrangle davantage.»
Le GoPass, une taxe fantôme devenue permanente
Introduit il y a plus d’une décennie, le GoPass devait initialement financer la modernisation des aéroports congolais. Mais aujourd’hui, le constat est accablant. Les infrastructures demeurent vétustes, les équipements obsolètes, et les services au sol souvent inexistants.
« Le GoPass a déjà rapporté des dizaines de millions de dollars depuis sa création », rappelle Jean-Luc Mbayo, économiste spécialisé dans la gouvernance publique. « Pourtant, aucune amélioration structurelle n’est visible. L’aéroport de N’djili reste l’un des moins performants d’Afrique centrale. Cette nouvelle taxe n’est rien d’autre qu’un recyclage de l’échec.»
Pour les experts en transport aérien, la question de la transparence reste le nœud du problème.
« On ne modernise pas un aéroport avec des taxes mal gérées, mais avec une stratégie claire et des investissements visibles », explique Aimée Kalonji, consultante en aviation civile. « Tant qu’on ne saura pas où vont les fonds collectés, ces réformes resteront perçues comme des prélèvements déguisés.»
Une réforme mal calibrée et socialement explosive
L’annonce de cette mesure survient dans un contexte de tension économique croissante, marqué par la flambée des prix sur le marché. Pour beaucoup, le timing est désastreux.
« Le gouvernement oublie que voyager n’est plus un luxe pour les Congolais, mais souvent une nécessité professionnelle ou familiale », analyse Patrick Ilunga, journaliste économique. « Ajouter 85 dollars à chaque billet, c’est dissuader les déplacements, freiner le commerce intérieur et pénaliser les classes moyennes émergentes.»
Entre promesses et désillusions
Malgré la communication officielle, la confiance du public est au plus bas. Les Congolais ont trop souvent entendu les mêmes discours modernisation, sécurité, développement sans jamais voir la couleur du changement.
« Si l’argent du GoPass avait été utilisé comme promis, on n’en serait pas là », résume Rosalie Tshibanda, membre d’une organisation de la société civile. « Les gens sont fatigués de financer des promesses vides. Avant de demander encore plus, l’État doit d’abord rendre des comptes.»
En attendant, le gouvernement n’a pas encore précisé la date exacte d’entrée en vigueur de cette nouvelle taxe. Mais déjà, la colère monte dans l’opinion. Entre réformes mal expliquées et réalité du terrain inchangée, cette taxe risque bien de devenir le symbole d’un pouvoir qui prélève beaucoup mais construit peu.
Maxime Mbumba









