Tandis que le secteur minier explose dans le Haut-Katanga, symbolisé par des convois de camions lourdement chargés sillonnant les routes et des multinationales toujours plus nombreuses, une partie importante de la jeunesse de Lubumbashi reste à la marge de cette croissance. Dans l’ombre des géants du cuivre et du cobalt, les jeunes se débattent entre débrouillardise, précarité et espoirs contrariés.
Dans les rues du marché Kenya, Michel, 22 ans, pousse des charrettes sous un soleil de plomb. Chaque jour, il espère gagner l’équivalent de 4 dollars. « Le boom minier, c’est pour les autres », lâche-t-il, amer. Il a quitté l’école il y a des années, faute de moyens, et survit de petits boulots. « Les sociétés minières ? Elles veulent des diplômés, ou des gens bien placés. Moi, je n’ai rien de tout ça. »
Dans les quartiers périphériques comme Kawama et Luano, d’autres jeunes tentent leur chance dans la revente illégale de déchets miniers. Nadine, 19 ans, en fait partie. Elle arpente les routes pour collecter des résidus de minerais tombés des camions. Une activité risquée et interdite. « La police nous chasse comme des bandits. Mais que faire quand on n’a pas à manger ? », dit-elle, le regard fuyant.
Si la richesse du sous-sol congolais fait les gros titres des investisseurs étrangers, les jeunes non qualifiés, eux, vivent une tout autre réalité. Selon plusieurs ONG, le fossé se creuse. « Les profits du secteur minier ne profitent qu’à une élite. Les jeunes, notamment ceux issus des quartiers populaires, sont oubliés », déplore Alain Tshibola, directeur d’un centre de formation professionnelle à Lubumbashi.
L’extraction artisanale, souvent périlleuse, devient pour certains un dernier recours. À Kipushi et Kambove, des jeunes descendent chaque jour dans des puits creusés à mains nues. Jean-Paul, 24 ans, en garde des cicatrices. Littéralement. « Je suis tombé dans un trou l’an dernier. Je m’en suis sorti de justesse. Mais je continue. On n’a pas d’alternative. »
Pourtant, au cœur de cette précarité, quelques initiatives émergent. Avec les outils numériques, certains jeunes créent leurs propres opportunités. Éric, 27 ans, s’est formé en mécanique grâce à des vidéos en ligne. Aujourd’hui, il répare des générateurs pour les entreprises minières. « J’ai dû me battre seul. Ce n’est pas normal que tout repose sur la débrouille personnelle. »
Des voix s’élèvent pour réclamer un changement structurel. Sandra, étudiante en droit, appelle à une meilleure inclusion des jeunes. «L’État doit obliger les sociétés minières à embaucher localement, à former, à investir dans l’avenir de cette jeunesse. Sinon, on court à la catastrophe.»
À Lubumbashi, la croissance minière trace une ligne de fracture nette entre richesse et misère. Et au milieu, une jeunesse en quête de place, tiraillée entre rêves d’ascension sociale et réalités brutales du quotidien.
CKK