Alors que le climat sécuritaire reste explosif dans l’Est de la République démocratique du Congo, la récente apparition de Joseph Kabila à Goma n’en finit pas de susciter polémiques et interrogations. C’est dans ce contexte brûlant que Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu et actuel ministre du Commerce extérieur, a interpellé publiquement l’ancien président, le 27 mai dernier, lors d’un briefing gouvernemental aux côtés du ministre de la Communication Patrick Muyaya.
Visiblement troublé, Julien Paluku a exprimé sa profonde incompréhension face à ce qu’il perçoit comme une contradiction flagrante : « Ce que je vois aujourd’hui ne correspond pas au Kabila que j’ai connu », a-t-il déclaré.
En réaction aux 12 propositions formulées récemment par l’ancien président dans son “pacte citoyen” pour sortir la RDC de la crise, Julien Paluku a répondu avec une série de 12 questions au vitriol. Dans un ton quasi judiciaire et, il interroge la cohérence entre le passé politique de Kabila et sa posture actuelle, en particulier sa visite à Goma. « Est-ce une silhouette ou la même personne que je connais ? », s’est-il exclamé, incrédule.
Voici les 12 questions posées par le ministre, en forme de réquisitoire politique :
- Est-ce bien le fils de M’zee qui est entré à Goma, une ville occupée par ceux qu’il a toujours combattus ?
- Est-ce celui qui a relancé le dialogue intercongolais en 2002 ?
- Est-ce lui qui a fait face à Jules Mutebusi et l’a défait à Bukavu ?
- Est-ce lui qui a conduit les opérations contre Laurent Nkunda ?
- Est-ce lui qui m’avait appelé à la résistance, en 2008, quand Goma était menacée ?
- Est-ce lui qui ordonna l’arrestation de Nkunda face à l’invasion rwandaise ?
- Est-ce lui qui exigea la démission de Kamerhe pour avoir ignoré l’entrée des troupes étrangères ?
- Est-ce lui qui fut signer les accords du 23 mars au M23, sans céder militairement ?
- Est-ce lui qui lança l’opération Pomme Orange à Etumba ?
- Est-ce lui qui radia les officiers du M23 qui assureraient aujourd’hui sa sécurité ?
- Est-ce lui qui accepta le principe du glissement mais céda le pouvoir dans le calme ?
- Est-ce lui qui fut salué dans le monde entier pour la passation pacifique du pouvoir ?
Pour Julien Paluku, cette posture de l’ancien président frise l’“aberration politique”. Selon lui, «si c’est vraiment lui, alors il accepte de porter sur ses épaules tous les déboires de l’Est». Il appelle à la mobilisation du peuple congolais contre ce qu’il considère comme une trahison de la mémoire des luttes passées contre les groupes armés et leurs soutiens étrangers.

Patrick Muyaya, lui aussi présent au briefing, a soutenu fermement cette prise de position, insistant sur le fait que le véritable ennemi reste le Rwanda, et que toute tentative de « congoliser » une guerre d’agression constitue une manipulation dangereuse. « Le Président honoraire est un homme du passé. Nous avons peu de temps à accorder à ceux qui veulent nous ramener en arrière », a-t-il tranché.
Le « pacte citoyen » proposé par Joseph Kabila, censé être une feuille de route pour sortir la RDC de la crise, est donc loin de faire consensus. Au lieu de rassembler, il semble raviver les tensions autour d’un héritage politique désormais remis en cause jusque dans son identité.
CKK