Trois organisations, CASMIA-G ASBL, JUSTICIA ASBL et APDHU, dénoncent avec virulence ce qu’elles qualifient d »’incongruité criante”, l’arrêté ministériel signé le 5 mars dernier par la ministre sortante des Droits humains. Ce texte fixe un barème de rémunérations, indemnités, pécules de congé et autres avantages sociaux en faveur des mandataires du Fonds National de Réparation des Victimes de violences sexuelles et des crimes graves (FONAREV).
Pour ces organisations, il ne s’agit pas d’un simple arrêté administratif, mais d’un véritable affront aux survivantes de violences sexuelles et aux victimes des atrocités qui ont endeuillé la République.
“Stupéfaction, indignation et colère”, c’est en ces termes que les trois ONG qualifient leur réaction face à ce qu’elles considèrent comme un scandale institutionnalisé. Elles accusent la ministre sortante d’avoir transformé le FONAREV en “trésor personnel pour mandataires privilégiés”, oubliant que ces fonds étaient initialement destinés aux femmes violées, aux enfants mutilés et aux communautés brisées par des décennies de conflits.
Alors que le pays traverse une crise économique où chaque franc congolais compte, les organisations dénoncent des avantages “exorbitants, disproportionnés et moralement indéfendables”.
“Les ressources du FONAREV ne sont pas un gâteau à partager entre mandataires dorés, mais le pain de survie que réclament les victimes”, martèlent-elles.
Le paradoxe est d’autant plus choquant que pendant que les cadres du FONAREV empocheraient des rémunérations royales, la grande majorité des victimes continuent de survivre dans la misère la plus totale. Très peu ont accès à une assistance médicale digne de ce nom. La plupart n’ont jamais vu l’ombre d’une réparation judiciaire. Beaucoup vivent dans la stigmatisation sociale, le rejet et l’oubli total. Pendant ce temps, ceux qui devraient gérer ce fonds “au nom des survivantes” profitent d’indemnités qui n’ont rien à envier aux hauts dirigeants des grandes multinationales. “Un luxe indécent sur les ruines de la dignité humaine”, dénoncent les ONG.
Une trahison de la vision présidentielle
Les organisations rappellent que le Président Félix Tshisekedi avait donné des orientations claires : réduire drastiquement le train de vie des institutions. Lors du Conseil des ministres du 31 janvier 2025, le chef de l’État avait insisté sur la nécessité d’affecter plus de ressources aux forces armées et à des projets prioritaires. La Première ministre Judith Suminwa avait même confirmé, en août, que le Trésor public récupérait 30 % des revenus de tous les membres du gouvernement, y compris ceux du Président lui-même. Dans ce contexte, l’arrêté signé par la ministre sortante sonne comme une provocation.
“Nous peinons à comprendre quelle motivation a poussé la ministre à piétiner les directives de son propre gouvernement pour arroser quelques privilégiés”, déplorent CASMIA-G, JUSTICIA et APDHU.
L’accusation est claire, au lieu de servir les victimes, le FONAREV devient un club fermé de privilégiés. Les 11 % de la redevance minière, censés représenter une bouée d’espoir pour des milliers de femmes et d’hommes meurtris, risquent de se transformer en manne financière pour une poignée de gestionnaires.
“Les survivantes de viols de guerre n’ont pas besoin de voir des mandataires rouler en véhicules de luxe. Elles ont besoin de soins, de justice et de dignité”, insistent les trois ONG.
Les organisations exigent du ministre actuel des Droits humains de reporter sans délai l’arrêté qu’elles jugent “injuste, impopulaire et immoral”.
Elles rappellent que le FONAREV doit redevenir ce pour quoi il a été créé : un fonds de réparation pour les victimes, pas une caisse noire de privilèges institutionnels.
Cet arrêté, aux yeux de la société civile, n’est rien d’autre qu’une gifle infligée aux survivantes. Une décision qui transforme le FONAREV en “Fonds National de Rémunération des Mandataires”, détournant son essence et sa mission.
Face à cette indignité, les trois ONG préviennent “l’histoire retiendra que pendant que les survivantes réclamaient justice et dignité, certains ont préféré s’accorder le luxe sur leur dos.”
Ben AKILI









