C’est un cri d’indignation que pousse la société civile du Kasaï-Oriental face à la présence alarmante d’un grand nombre de jeunes derrière les barreaux de la prison centrale de Mbuji-Mayi. Pour ses responsables, cette réalité traduit non seulement la faillite sociale et économique de la province, mais aussi le détournement du potentiel de toute une génération, réduite au silence et à l’inaction.
« J’étais récemment à la prison centrale de Mbuji-Mayi. La majorité des détenus sont des jeunes. Quand vous avez une société où la jeunesse se retrouve massivement en prison, cela signifie que notre communauté est malade, privée de sa force vive, de son intelligence et de sa créativité », a dénoncé avec amertume l’abbé Pierre Kabamba, président du cadre de concertation de la société civile du Kasaï-Oriental.
Selon lui, cette situation reflète un déséquilibre profond dans le tissu social. Ces jeunes dit-il, devraient être dehors, en train de construire la province, d’innover, de produire, de servir la société. Au lieu de cela, ils croupissent dans les cellules, victimes d’un système qui a échoué à leur offrir des perspectives.
L’abbé Kabamba fustige également la responsabilité des acteurs politiques et coutumiers qui, selon lui, exploitent cyniquement la misère et le désespoir des jeunes pour servir leurs intérêts.
« Les politiciens et certains chefs coutumiers recrutent ces jeunes pour leurs batailles personnelles à savoir campagnes électorales, conflits d’influence, luttes de pouvoir. Et lorsque les choses tournent mal, ce sont ces jeunes qu’on jette en prison pendant que les vrais commanditaires restent impunis », s’indigne-t-il.
Pour lui, il est temps de briser ce cercle vicieux de manipulation et d’exclusion qui pousse la jeunesse dans la délinquance et la criminalité.
La société civile du Kasaï-Oriental appelle à une mobilisation générale en faveur de l’emploi, de l’éducation et de l’entrepreneuriat des jeunes. L’abbé Kabamba salue notamment l’organisation des journées diocésaines de la jeunesse par le diocèse de Mbuji-Mayi, qu’il considère comme une bouffée d’oxygène dans un environnement miné par le désespoir.
« Ces initiatives méritent d’être multipliées. Nous devons créer des espaces où les jeunes peuvent apprendre, travailler, entreprendre et redonner sens à leur énergie. Une jeunesse encadrée et employée est une jeunesse protégée contre la dérive », a-t-il insisté.

Le président de la société civile a par ailleurs rappelé le paradoxe d’une jeunesse à la fois pleine de potentiel et condamnée à l’oisiveté.
« Les jeunes sont victimes de l’énergie qu’ils possèdent. Cette énergie, au lieu de servir la construction du pays, est aujourd’hui gaspillée ou instrumentalisée. Lorsqu’elle ne trouve pas d’espace d’expression positive, elle finit par se retourner contre la société », a-t-il conclu, appelant à « un sursaut collectif » pour sauver la jeunesse du Kasaï Oriental.
Tant que notre société continuera à laisser ses jeunes derrière les barreaux, elle condamnera non seulement leur avenir, mais celui de toute une province. Mbuji-Mayi n’a pas besoin de prisons pleines de potentiel gaspillé, elle a besoin de jeunes libérés… pour libérer son avenir.
Patient Mukuna









