« Le Congo saigne dans l’indifférence. Il est temps d’agir. » Telle est la substance d’une tribune inédite, co-signée par 75 Prix Nobel, dont le Dr Denis Mukwege, publiée dans Le Monde et relayée sur son compte X. Ce plaidoyer international exhorte à mettre fin à trois décennies de conflits, de massacres et de pillages systématiques qui font de la République démocratique du Congo (RDC) l’un des pires théâtres d’horreurs humaines depuis la Seconde Guerre mondiale.
Depuis les années 1990, la RDC endure une guerre sans nom, où les ressources stratégiques – cobalt, coltan, or – attisent les convoitises, alimentent les violences et enrichissent des réseaux transnationaux. Plus de 6 millions de morts, des centaines de milliers de viols, des millions de déplacés, des enfants violés toutes les 30 minutes : les chiffres glacent, mais le monde détourne les yeux.
Malgré la publication en 2010 du rapport Mapping des Nations unies – documentant 617 crimes de guerre et contre l’humanité commis entre 1993 et 2003 – l’impunité règne. Les exactions continuent, sans justice, sans tribunal, sans mémoire.
Un pillage sous haute complicité
Aujourd’hui encore, plus de 100 groupes armés et plusieurs armées étrangères, notamment celle du Rwanda, sévissent en toute impunité sur le territoire congolais. Le retour du M23, soutenu par Kigali, a aggravé la situation dans le Nord-Kivu. On estime que 4 000 soldats rwandais occupent des zones minières stratégiques, provoquant l’exode de millions de civils.
Pendant ce temps, les minerais congolais – indispensables aux smartphones et voitures électriques – sont extraits dans la violence, transitent via des réseaux opaques vers le Rwanda, puis inondent les marchés mondiaux. Ce commerce ensanglanté reste toléré par la communauté internationale, qui ferme les yeux, appliquant un scandaleux deux poids, deux mesures.
« Un Congo dans nos poches »
Les Nobel dénoncent le mutisme diplomatique, qui contraste avec la mobilisation massive dans d’autres conflits, comme en Ukraine. « Les crimes du Rwanda en RDC sont comparables à ceux de la Russie en Ukraine », affirment-ils, soulignant l’hypocrisie des puissances occidentales.
Ils réclament l’application immédiate de la résolution 2773 du Conseil de sécurité : cessez-le-feu, retrait des troupes rwandaises, fin du soutien au M23, démantèlement des administrations rebelles, et surtout, création d’un tribunal international pour juger les crimes commis en RDC.
Car « ce n’est pas une affaire congolaise. C’est une affaire mondiale. Nous avons tous un bout du Congo dans nos poches. Et donc une responsabilité collective. »
Pour une paix juste et durable
Face à cette tragédie, les Nobel appellent à une conférence internationale sur la paix au Congo, avec la participation des femmes, des jeunes, de la société civile, afin de reconstruire la souveraineté congolaise et restaurer la dignité d’un peuple martyrisé. « Il est encore temps. Mais le temps presse ».
La Rédaction