Vingt-cinq ans après le drame de Mwenga au Sud-Kivu, la douleur reste intacte, les plaies toujours ouvertes, et les familles des victimes, toujours sans justice. À l’occasion des commémorations de ces crimes d’une barbarie indicible, le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, a une nouvelle fois élevé la voix pour réclamer vérité, justice et réparation.
C’est dans la localité de Mwenga, à 120 kilomètres de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo, que l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire du pays s’est produit en 1999. Ce jour-là, des femmes furent enlevées, torturées, violées publiquement devant leurs maris et leurs enfants, avant d’être enterrées vivantes par les forces du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), un mouvement rebelle soutenu à l’époque par le Rwanda.
« Nous ne pouvons pas tourner la page tant que justice n’a pas été rendue. Le sang des femmes de Mwenga crie encore du sol du Congo », a déclaré le Dr Mukwege avec gravité.
Un crime oublié, un combat qui continue
Le rapport Mapping des Nations unies, publié en 2010, a documenté ces atrocités parmi plus de 600 cas de violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commis entre 1993 et 2003 en RDC. Pourtant, aucun auteur n’a jamais été poursuivi. Pour le Dr Mukwege, ce silence judiciaire est une insulte à la mémoire des victimes et un obstacle majeur à la paix durable.
« L’impunité alimente la récidive. Tant que les bourreaux ne répondront pas de leurs crimes, le cycle de la violence continuera de se répéter », a-t-il martelé.
Dans un plaidoyer renouvelé, le gynécologue de Panzi appelle les autorités congolaises à inviter formellement la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP), basée à La Haye, afin de fournir une assistance technique dans la sécurisation des sites de massacres, l’exhumation des fosses communes et l’identification des victimes.
Cette démarche, explique-t-il, permettra d’offrir une sépulture digne aux défunts et de redonner un visage et un nom à ceux que la barbarie a voulu effacer.
« Chaque corps exhumé, chaque nom restitué à une famille, est une victoire contre l’oubli », a-t-il insisté.
Le Dr Mukwege rappelle que la collecte et la préservation des preuves sont un préalable essentiel à toute poursuite judiciaire. Il exhorte le gouvernement congolais à accélérer la mise en œuvre d’un mécanisme de justice transitionnelle crédible, conforme aux recommandations du rapport Mapping, afin de juger les auteurs et les commanditaires de ces crimes contre l’humanité.
« La paix ne se décrète pas, elle se construit sur la vérité et la justice. Sans elles, la réconciliation n’est qu’une illusion », a souligné le prix Nobel.
Mukwege adresse enfin un message fort à la région des Grands Lacs africains, meurtrie par des décennies de violences et de manipulations politiques.
« Il n’y aura ni stabilité, ni paix durable dans la région tant que la justice restera sélective et que les victimes seront réduites au silence », a-t-il déclaré.
Vingt-cinq ans après Mwenga, le Dr Denis Mukwege refuse de laisser le temps ensevelir la vérité. À travers ses mots et ses actes, il incarne la conscience morale d’un pays en quête de justice. Son message résonne comme un serment « tant que justice ne sera pas faite, le Congo ne pourra pas guérir ».
Grâce Mukoj









