À Katebi, un vaste domaine agro-pastoral de plus de 500 hectares est en train de disparaître sous le grondement des bulldozers. Ce qui était jusqu’ici champs de maïs, manioc et légumes, nourritures et subsistance de centaines de familles, est désormais réduit à un chantier de lotissement destiné aux plus fortunés.
Depuis plusieurs semaines, les habitants assistent, impuissants, à ce qu’ils considèrent comme une véritable « profanation ». Engins lourds qui écrasent les cultures, piquets et bornes plantés au milieu des sillons, et bulldozers qui transforment la terre fertile en un désert de béton à venir. Les cris des cultivateurs tentant de protéger leurs récoltes résonnent entre les vrombissements des machines.
Le chef traditionnel Muleka, gardien des terres et de la mémoire de ses ancêtres, est indigné.
« Ils ne détruisent pas seulement la terre, ils piétinent notre histoire ! Chaque arbre abattu, chaque champ rasé, c’est un affront à nos ancêtres et à notre dignité », a-t-il déclaré.
Le 24 juillet 2025, Muleka et ses notables avaient rencontré à Kolwezi le rapporteur de l’Assemblée nationale pour dénoncer ces expropriations. Les autorités locales avaient ordonné le retrait des bornes. Mais la pause fut brève. Quelques semaines plus tard, le cadastre revient avec une escorte militaire armée. Les cultivateurs racontent avoir été bousculés, certains frappés, alors qu’ils tentaient de protéger leurs cultures.
« Nous avons creusé la terre, semé avec nos mains, nourri nos familles avec cette récolte… et maintenant tout est piétiné ! », hurle une paysanne, avec larmes aux yeux.

Derrière cette opération se cache un méga-projet. Plus de 6 000 parcelles prévues, vendues entre 15 000 et 20 000 dollars chacune. Un prix impossible pour les habitants de Katebi, qui vivent principalement de l’agriculture vivrière. Selon plusieurs sources, l’exécutif provincial, l’Assemblée provinciale et les services de titres fonciers seraient tous impliqués. Pour les communautés rurales, c’est une spoliation pure et simple c’est-à-dire, les riches achètent, les pauvres sont chassés.
Pire encore, le chantier empiète sur un cimetière royal. Les tombes des ancêtres de Muleka et de la noblesse locale sont piétinées, certaines partiellement détruites. L’odeur de la terre retournée se mêle au silence des familles choquées, incapables de pleurer correctement leurs morts.
« C’est un crime contre nos ancêtres ! La terre n’est pas un simple bien, c’est notre mémoire et notre survie », tonne Muleka, la voix tremblante d’émotion et de colère.
Les 800 agriculteurs concernés ont investi des sommes considérables dans la campagne 2025-2026, pour le labour, les semences et les intrants. Aujourd’hui, tout est anéanti en quelques heures de passage des engins. Les légumes arrachés, les sillons rasés, les cultures détruites… et aucune indemnisation, aucun geste de respect.
Face à cette escalade, le chef Muleka appelle à une concertation sincère entre autorités, cadastre et communautés paysannes. Il exige la suspension immédiate du projet et la restitution des terres.

À Katebi, la terre est plus qu’un sol : elle est la matrice de la vie, la mémoire des ancêtres, et le symbole d’une dignité que les habitants refusent d’abandonner. Entre les bulldozers et les houes, c’est tout un mode de vie qui vacille, sacrifié sur l’autel d’un « progrès » qui ne nourrit plus personne.
« Si on nous enlève la terre, on nous vole notre vie », résume un cultivateur, le poing serré, le regard fixé sur l’horizon dévasté.
Katebi est aujourd’hui le visage cruel d’un conflit foncier qui dépasse ce village. C’est en tout cas, l’affrontement entre le béton et la vie rurale, entre l’argent facile et la dignité des communautés.
le silence des champs rasés hurle plus fort que le vacarme des bulldozers. Les sillons labourés par les mains des paysans, les légumes qui poussaient sous le soleil du Lualaba, les tombes ancestrales foulées par les engins… tout cela n’est plus que mémoire écrasée et colère contenue.
Le chef Muleka le répète avec force en disant que «Tant que nos terres ne seront pas rendues, tant que nos ancêtres resteront piétinés, la justice n’aura pas parlé. Ce n’est pas seulement un combat pour la terre, c’est un combat pour la vie, pour notre dignité et pour l’honneur des générations futures.»
Et pour les habitants de Katebi, cette bataille n’est pas terminée. Chaque piquet planté, chaque bulldozer qui avance, nourrit leur détermination. Car derrière la destruction, ils continuent de résister : refusant de céder, refusant d’abandonner leurs champs, refusant que leur mémoire et leur vie soient vendues au plus offrant.
Dans le Lualaba, la terre n’est pas un bien comme un autre. Elle est le cœur battant d’un peuple, et tant qu’il restera une houe, un regard ou une voix pour la défendre, Katebi ne se laissera pas enterrer.
Reporter Sans Frontières via Surveillance.cd









