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Minerais stratégiques : le Centre Carter dénonce le paradoxe d’une RDC riche mais toujours pauvre

À la veille de la 9ᵉ édition de la Conférence DRC Alternative Mining Indaba, prévue du 29 au 31 octobre à Lubumbashi, le Centre Carter lance un appel pressant au gouvernement congolais pour ainsi rationaliser le régime fiscal du secteur minier et assurer une gestion transparente des recettes issues des minerais stratégiques, afin que la richesse du sous-sol congolais profite enfin aux Congolais.

Sous le thème « Minerais stratégiques de la RDC : entre enjeux géopolitiques mondiaux et impacts socioéconomiques locaux », cette édition réunit décideurs, acteurs miniers, société civile et partenaires techniques. Mais le constat du Centre Carter est sans appel. Malgré des recettes minières record, le peuple congolais reste l’éternel oublié de sa propre richesse.

Un paradoxe criant : richesse minérale, pauvreté sociale

Cobalt, cuivre, coltan, lithium, germanium, étain… ces minerais dits “stratégiques” placent la République Démocratique du Congo au cœur de la transition énergétique mondiale. Le pays fournit à lui seul plus de 70 % du cobalt utilisé dans les batteries électriques de la planète. Pourtant, entre 2018 et 2025, alors que les revenus miniers sont passés de 1,5 milliard à plus de 7 milliards de dollars, les indicateurs sociaux stagnent. L’indice de développement humain n’a progressé que de 0,474 à 0,481. La RDC reste 180ᵉ sur 193 pays.

« L’accroissement des recettes minières n’a pas entraîné d’amélioration notable dans la vie des Congolais », déplore le rapport du Centre Carter.

Les causes ? Un régime fiscal incohérent, des fuites colossales de revenus, une gestion opaque et centralisée, et surtout une faible participation citoyenne dans les décisions qui concernent le secteur extractif.

Un régime fiscal minier à réformer d’urgence

Adopté en 2018, le Code minier révisé devait rétablir un partage équitable entre l’État et les exploitants. Il prévoyait notamment l’impôt spécial sur les profits excédentaires (ISPE), une redevance minière plus élevée et une participation accrue de l’État dans les projets miniers. Mais sept ans après, le système montre ses limites. Selon les études du Centre Carter : – Certains taux d’imposition sont trop élevés, atteignant jusqu’à 95 % de charges effectives pour certaines filières, rendant plusieurs projets quasi non rentables. Des taxes provinciales illégales, notamment dans le Haut-Katanga et le Lualaba, violent le Code minier. La complexité des instruments fiscaux encourage fraude, évasion et corruption.

« Ce chaos fiscal profite à quelques-uns et coûte des milliards à la Nation », affirme un représentant de la société civile participant au Dialogue citoyen pour la maximisation des recettes minières.

Le Centre Carter plaide pour une rationalisation du régime fiscal, avec un référentiel simplifié des taxes et redevances, la suppression des exonérations injustifiées et la mise en place de redevances à taux variables, adaptées aux métaux stratégiques. La création du Noyau de Prévision des Recettes Extractives (NPRE), rattaché au Comité Permanent de Cadrage Macroéconomique, constitue un pas prometteur pour modéliser et prévoir les revenus du secteur, à condition qu’il devienne rapidement opérationnel.

Autre obstacle majeur c’est le manque de coordination entre les services publics. Les études de faisabilité déposées au Cadastre minier ne sont pas systématiquement partagées avec la Direction des impôts. Résultat, des recettes échappent à l’État. Le Centre Carter recommande la création d’une Autorité unique des revenus, centralisant la collecte et la supervision des taxes minières. Cette réforme s’accompagnerait de la digitalisation de la chaîne de recettes et d’une base de données centralisée et transparente accessible à toutes les agences.

Des milliards gaspillés, des Congolais oubliés

Le rapport dénonce également l’affectation inéquitable des recettes minières. La majeure partie finance les institutions politiques et les salaires des dirigeants, au détriment des investissements sociaux.

« Les Congolais supportent les coûts écologiques et humains du secteur minier, sans recevoir leur part légitime de la valeur créée », fustige le Centre Carter.

Inspiré par le modèle ghanéen de gestion des revenus pétroliers, l’organisme recommande l’adoption d’une loi similaire en RDC, garantissant la transparence totale et l’allocation prioritaire des recettes minières au développement durable et aux générations futures.

Le Centre Carter estime que la transformation du secteur minier ne peut réussir sans la participation active des citoyens. Les organisations de la société civile congolaise ont déjà joué un rôle clé dans la révision du Code minier de 2018 et dans la mise en œuvre de l’ITIE. Mais leur action reste freinée par le manque d’accès à l’information publique, la pression politique et les intimidations et la faible formation technique sur la fiscalité extractive.

L’organisation appelle le gouvernement à adopter la Loi sur l’accès à l’information et à garantir un espace civique ouvert pour un contrôle citoyen effectif dans les plateformes comme ITIE, IDAK et IDAKI.

Ainsi en marge de la conférence Mining Indaba 2025, le Centre Carter, le CENADEP et le CREFDL organiseront le 30 octobre à Lubumbashi une session spéciale sur la maximisation des recettes minières à l’hôtel IKOMA. Cette rencontre réunira administrations, société civile et chercheurs pour tracer une feuille de route nationale vers une gouvernance minière transparente, inclusive et durable.

« Les minerais stratégiques ne doivent plus être une malédiction, mais une chance historique de bâtir la RDC de demain », insiste le Centre Carter.

L’heure n’est plus aux diagnostics, mais à l’action courageuse et concertée. La transition énergétique mondiale place la RDC sous les projecteurs car, le monde a besoin de ses minerais. Reste à savoir si la RDC saura transformer cette demande planétaire en prospérité nationale, plutôt qu’en nouvel épisode de pillage organisé.

Ben AKILI

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